ESSAI : LE MUSÉE DES TABLEAUX IMAGINAIRES

FRÉDÉRIC GAUSSEN, PHILIPPE MOUCHÈS


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#Merveille #BeauLivre #Exploration #GrandsÉcrivains #Relation #GrandsPeintres #Textes #Visuels #CadeauNoël


Les écrivains aiment se voir en peinture

ou le musée imaginaire


Le musée des tableaux imaginaires#Merveille #BeauLivre #Exploration #GrandsÉcrivains #Relation #GrandsPeintres #Textes #Visuels #CadeauNoëlFrédéric Gaussen et Philippe Mouchès



Introduction


Ernest Hemingway parle beaucoup de peinture dans ses œuvres. C’est à se demander s’il n’aurait pas rêvé d’être plutôt peintre (ses débuts de romans sont souvent très visuels : il donne à voir, comme Joseph Conrad le préconisait). Blaise Cendrars également, au point d’être ami proche de Fernand-Léger. Louis-Ferdinand Céline ne tarissait pas d’éloge à propos de Gen Paul. La liste est longue. De Balzac à Houellebecq – en passant par Poe, Flaubert, Zola, Proust, Aragon, Claude Simon et bien d'autres, beaucoup d'écrivains sont allés jusqu’à imaginer des personnages d’artistes-peintres, ou à décrire avec minutie des tableaux de leur invention.


À quoi peuvent ressembler ces peintures imaginaires ? s’est demandé Frédéric Gaussen, ancien journaliste au Monde. Et si on les concrétisait, grâce à l’aide de Philippe Mouchés, membre de l’Opeindo (Ouvroir de peinture potentielle), l’Oulipo (créé par Raymond Queneau) des plasticiens (avec Pau Fournel, notamment). Restait plus qu’à écrire dix-sept textes inspirés des œuvres de Balzac, donc, Poe, mais aussi Murger, les frère Goncourt, Flaubert, Hyussmans, Zola, Segalen, Proust, Aragon, Gracq, Jouve, Perec, Simon, Michon, Bauchau et Houellebecq. Et trouver un éditeur… David Gaussen-fils a eu l’heureuse idée de se proposer.

 

En reconstituant les œuvres, avec les outils combinés de la peinture et du numérique, Philippe Mouchès a dû bien s’amuser, tout en se triturant les méninges. N’est pas Intelligence artificielle qui veut… Quant à Gaussen père, il s’est interrogé sur les relations que ces écrivains entretenaient avec la peinture. Sans être forcément peintres eux-mêmes, voire critiques d'art, et/ou collectionneurs. Couraient-ils les musées, les galeries d'art et les expositions ? Fréquentaient-ils les artistes de leur temps ? Quelle peinture aimaient-ils ? Et quelles influences ces productions font-elles apparaître de la peinture sur leur écriture ?

Le résultat visuel est parfois sidérant : le « Portrait ovale », inspiré d’une « histoire extraordinaire » d’Edgar Poe, traduit par Charles Baudelaire, qui ouvre l’ouvrage, est obsédant. On la croirait vivante et d’aujourd’hui, cette jeune-fille « magnifiquement dorée », comme le cadre. Frédéric Gaussen parle d’art « assassin » et nous raconte les dessous de l’œuvre. Nous n’aurons pas la place ici, mais c’est passionnant. Même chose pour les frères Goncourt, de retour d’Orient, qui avaient décidé de ne « jamais travailler ». Ils étaient éternellement mécontents (antisémites et homophobes, rappelons-le). Il reste d’eux un grand prix littéraire.

 

Le « portrait de Rosanette », imaginé d’après l’Education Sentimentale, de Faubert, fait dire à l’auteur : « Manet, c’est lui… ». Le tableau reconstitué d’après « Les Sœurs Vatard » de Huysmans, est également troublant de vérité. On apprend que Segalen a eu la vocation d’écrire en découvrant Gauguin, lors d’un voyage dans les îles du Pacifique, en 1904. Et bien d’autres choses encore. Dans sa jeunesse, Aragon était si « habité » par l’œuvre de Matisse, qu’il a inventé une femme… prénommée Matisse, dans une de ses nouvelles. Il n’est plus russe mais une rousse des Batignoles… nue, offerte. En 1930, dans le catalogue d’une exposition, Aragon a décrété la fin de la peinture, remplacé par l’art du collage. 

Il faut dire qu’autour de lui sévissaient Braque, Dali, Derai, Duchamp, Ernst, Gris, Lissitski, Miro, Magritte, Picabia, Picasso, Mant Ray, Tanguy… Excusez du peu. Terminer cette merveille avec Houellebecq et Jeff Koons dénote un peu, mais c’est révélateur d’un art réduit au marché. « La Carte et le territoire » n’est pas son meilleur roman (trop bavard), mais il a le mérite de soulever des lièvres et le loup : « Je ne connais rien au monde de l’art », reconnaissait-il, en 2008, avant une expo au Château de Versailles (rien que ça ?!) dédié à l’imposteur emblématique de cette société du spectacle, annoncée par Guy Debord. L’œuvre créée à l’occasion par Philippe Mouchès est floue. On y voit Koons, en costard-cravate, triompher, telle une marionnette.

 

Gaussen père conclue sur une expo de Robert Combas, authentique artiste, au Palais de Tokyo, en 2012, autour du court texte « Rester vivant », de Houellebecq, et ces quelques mots révélateurs : « Dans l’abrutissement qui me tient de grâce / je vois se dérouler des pelouses immobiles / Des bâtiments bleutés et des plaisirs stériles / Je suis le chien blessé, le technicien de surface / Et je suis la bouée qui soutient l’enfant mort (…) Un rideau blanc rebombe et recouvre la scène. » Fermez le ban. Voici le beau-livre parfait pour un cadeau de Noël original, car à la fois ludique et instructif.

 

Guillaume Chérel

 

 

« Le musée des tableaux imaginaires », 

de Frédéric Gaussen et Philippe Mouchès, 142 p, 25 €, éditions Gaussen.






Télécharger
Les écrivains aiment se voir en peinture ou le musée imaginaire
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Le musée des tableaux imaginaires Fréd
Document Adobe Acrobat 423.2 KB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0