ROMAN : L'ORAGEUSE

Jessica L. Nelson


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Louise Colet est la Muse de Jessica L. Nelson Ou Madame Bovary, c’est elle…


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Introduction


Autrice de quatre romans de bonne facture, éditrice (Editions Les Saint-Père), membre permanent du jury du prix de la Closerie des Lilas, Jessica L. Nelson (42 ans), a sans doute non seulement trouvé son style mais son genre : la biographie littéraire romancée. Elle l’a brillamment montré, récemment, avec « Brillant comme une larme » (2020), qui redonne vie à la comète Raymond Radigue. Et elle le confirme avec « L’orageuse », qui réhabilite – si besoin était – Louise Colet, essentiellement connue pour sa correspondance amoureuse (et orageuse) avec Gustave Flaubert.


Romans  Jessica L. Nelson

Coco Chanel, Max Jacob, Picasso, Breton, Aragon (dire que j’ai croisé ce dernier à la Fête de l’Huma… !), le casting de « Radiguet » était déjà impressionnant, faisant passer la génération de « télécrivains » d’aujourd’hui pour de pâles copistes. Tenez-vous bien. La distribution de « L’orageuse » donne le vertige : Chateaubriand, Hugo, Balzac, Dumas, Sue, Musset, Flaubert, Sainte-Beuve (son ennemi à vie), Vigny, Sand, Gautier, Baudelaire, le jeune Daudet, Madame Récamier, Leconte de Lisle, Benjamin Constant, Victor Cousin et j’en passe… Dire qu’une bonne partie de cette liste est passée dans son lit serait exagéré, et un mauvais « bon mot ». Mais son tableau de chasse, comme on le dirait d’un « homme à femmes », est impressionnant.

 

Louise Colet avait du goût (elle ne souffre pas la laideur). Mais ce n’est pas une courtisane, ni une opportuniste, encore moins un « bas bleu ». Plutôt une Rastignac, matinée de Cyrano de Bergerac, au féminin. C’est juste une femme ambitieuse, qui entend vivre libre et le plus indépendamment possible des hommes. Ce qui était quasiment impossible au XIXe siècle. Bref une femme moderne, comme l’était George Sand, Sarah Bernhardt et Colette, plus tard. Jessica L. Nelson, le décrit très bien. Et son écriture élégante, somme toute classique, voire désuète, va très bien avec la période. Ça commence comme un roman d’amour romantique, au style classique. Louise s’esbaudit devant les jolies robes, les toilettes seyantes, qui dégagent ses épaules, et mettent en valeur sa poitrine, pour sortir et séduire les plus grands. Comme Jessica L. Nelson, sa biographe, elle a compris qu’il faut s’inspirer des meilleurs pour gravir les plus hautes marches. Alors autant viser haut. A défaut de Chateaubriand, méfiant et froid, ce sera Hugo, à la vigueur quasi priapique.


Victor Hugo Alfred de Musset Gustave Flaubert

 

Le vocabulaire employé par Jessica Nelson est délicieusement suranné. Elle emploie des mots comme baguenauder, peu me chaut, tressaillir, canaille, mijaurée… Elle se lâche dans les scènes de sexe, très réussie car réalistes, charnelles, sans être trop crues. Louise est une lionne. Elle griffe et aime se faire mordre pendant le coït. Elle émet alors un râle… et son ventre s’arrondit. Arrive à l’horizon le jeune Flaubert, apprenti écrivain, qui entre dans sa vie, d’abord avec appétit. Avec lui, c’est l’amour sauvage. Puis impossible. Face à elle, il y a non seulement la mère de Gustave, mais la littérature en entier. La première l’entretient. La seconde le dévore. Louise trouve malgré tout sa place, avec son « Hâmour » dévorant. Elle l’inspire, l’aspire, le bouscule dans ses retranchements. Ce qu’il fait littéralement, du côté de Rouen, avant de s’enfuir en Orient, avec son ami Maxime Du Camp ; d’où il ramène de la matière pour son Salammbô, mais aussi la chaude-pisse, récoltée chez les « filles de joie ».

 

Vexée, bafouée, humiliée, Louise doit se résoudre à abandonner le combat (amoureux) mais elle se vengera sur le ring des lettres. N’y-a-t-il pas beaucoup d’elle dans son Emma Bovary ? Sauf, qu’elle ne « bovaryse » pas. Elle est même aux « antipodes d’une femme mariée qui s’ennuie ». Elle vit comme une célibataire, donjuanise, à l’égal des hommes, une fois encore, à l’instar du plus « byronesco-rimbaldien » des écrivains de sa génération, j’ai nommé le Casanova Alfred de Musset, le punk insolent du moment. Même s’il boit trop et a les dents gâtées, il a tellement d’esprit. Une sorte d’Oscar Wilde hétéro… en plus exalté. Louise veut rivaliser avec les meilleur.e.s. Elle sait évidemment qu’il fut l’amant endiablé de George Sand. Au contraire de cette dernière, et de George Eliot, elle ne veut pas se rabaisser à masculiniser son prénom pour être adoubé par la cour de ces messieurs égocentrés.

 


Caricature Louise Colet  féministe et roman Les pays Lumineux

Il y a du Camille Claudel dans cette provençale (elle est née à Aix) débarquée à Paris pour en découdre avec le microcosme des lettres dominé par les hommes. Son œuvre ne restera pas dans les annales (« Fleurs du Midi », « Lui », « Enfances célèbres… ») mais elle avait du style, de l’audace, du culot, donc de l’entregent, et surtout une fine intelligence. Il fallait en avoir pour tenir tête à la fine fleur de la plume, tous plus misogynes les uns que les autres. Une âme de bretteuse… Un tempérament orageux, tumultueux, une vraie passionnée : « Si jamais la lutte devient grandiose et sanglante, je veux m'y mêler, je veux réunir toutes les femmes, toutes les mères, toutes ces sœurs en douleur et en misère, et leur faire comprendre ce qu'il faut dire, ce qu'il faut faire, ce qu'il faut exiger... pour qu'elles ne soient pas éternellement des machines à plaisir et à reproduction de l'espèce ». Louise Colet ne voulait pas être victime du patriarcat et du parisianisme.

 


Femmes Commune de Paris, 1871

Ce n’est pas un hasard si le livre, et la vie flamboyante de Louise Colet, se termine peu après la fin de l’utopie communarde, tuée dans l’œuf. Dans les rangs des insurgés, il y avait une certaine Louise Michel, avec qui l’aixoise de naissance avait plus de points communs que l’autrice de « L’orageuse » le croit peut-être : « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière », disait Victor Hugo. C’est valable pour une femme. L’héroïne de Jessica L. Nelson, dont on attend avec impatience la nouvelle biographie romancée, est aussi féminine que féministe. L’une n’empêche pas l’autre. La preuve avec cet excellent livre à rebours des tendances actuelles.

 

Guillaume Chérel

 

« L’orageuse », de Jessica L. Nelson, 

409 p, 21, 90 €, Albin Michel.


Statue Louise Colet




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