ROMANS : UNE SALE FRANÇAISE + DANS LE VENTRE DE KLARA

ROMAIN SLOCOMBE, RÉGIS JAUFFRET


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L’adorable menteur et l’accoucheur de mots


Dans le ventre de Klara #RéalitéFiction #Maternité #Folie #Hallucinations #Diable #Shoa #Dieu #Humanité Régis Jauffret   Une sale Française #Histoire #Nazisme #Femmes #Collaboration #Espionnage #Libération #Marseille Romain Slocombe



Introduction


« C’est un vieux dossier d’archive que j’ai reçu un matin sur ma messagerie, annonce Romain Slocombe dans le prologue de son nouvel opus historique, paru en janvier dernier. Deux femmes y figuraient, qui auraient pu n’en faire qu’une seule : elles avaient presque la même date de naissance, le même prénom, Aline, les mêmes initiales, et leurs noms de famille bien que s’orthographiant différemment (Beaucaire et Bockert ndla), se prononçaient de manière à peu près semblable – au point que la police française de l’épuration et la DST les ont confondues. Troublé, je commençai à lire. ». Et nous aussi, les lecteurs, sous le charme de cet « adorable menteur »…


« Une sale Française » (qui aurait pu s’intituler « Sale Française ») accroche le lecteur d’emblée : « L’une semblait une vraie garce nazie, l’autre une fille de concierges qui, en des circonstances moins singulières, serait restée une ménagère sans histoires. Toutes deux avaient gagné la zone dite « libre ». Comme à son habitude, le plus britannique de nos écrivains français sait installer le suspense de sa nouvelle enquête romanesque, où tout est fait pour brouiller les pistes. Lorsque Aline Beaucaire est convoquée, pour « vérification », par le commissaire principal du secteur contre-espionnage de la « DST » (ex-Renseignements Généraux », à Marseille, elle qui se dit alsacienne (l’orthographe Bockert eut été logique). Elle serait tombée amoureuse d’un sergent pilote un peu trop beau pour être honnête, et aurait franchi, la nuit, la fameuse ligne de démarcation, dans le but de rejoindre Alger… via la « ville de tous les dangers ». 



 

Aline Bockert et Aline Beaucaire sont-elles la même personne ? Aline est-elle aussi innocente qu’elle veut le laisser croire ? Quel lourd secret a-t-elle à cacher ? Est-elle l’autre Aline, surnommée la « Panthère rouge », qui a activement collaboré avec la Gestapo ? A-t-elle réussi à passer entre les mailles du filet de l’épuration ? Bref, est-elle une « sale française ?

 

Romain Slocombe est trop jeune (71 ans) pour avoir vécu cette période, mais il sait nous replonger dans les années sombres de l’Occupation, une époque où il fallait se méfier de tout le monde et de soi-même. Auteur d’une trentaine de romans, dont deux ont figuré sur la sélection du prix Goncourt (« Monsieur le Commandant », en 2011, et « L’Affaire Léon Sadorski », en 2016), il est en train d’imposer une œuvre mémorielle.


Divers romans Romain Slocombe

Également adepte du « mentir-vrai », technique narrative prônée par Aragon, Régis Jauffret (59 ans) a eu l’idée géniale de s’intéresser à la génitrice d’Adolf Hitler. Tout le monde connait l’anecdote selon laquelle sa haine des juifs aurait été attisé par son échec à un école d’arts plastiques, et à la défaite austro-allemande lors de la première guerre mondiale, à laquelle il a participé, mais on s’est rarement intéressé à sa famille. 

 

« Dans le ventre de Klara » est un roman « sombre, violent et magnifique » (dixit Slocombe), constitué de « faits et d'imaginaire comme un corps de chair et d'os », précise l’auteur. En résumé, il a mêlé fiction et réalité.

 

Or donc, durant neuf mois, Klara Hitler a porté dans son ventre celui qui était destiné à devenir l'incarnation du diable, comme dans « Rosemary’s Baby », le roman d’Ira Levin, devenu un film (de Roman Polanski). Manière pour l’auteur de donner la parole à celui qui incarnera non seulement le nazisme et la Shoah, mais la folie et la cruauté humaine. Klara est « habitée » par d’innombrables sentiments : amour/angoisses/espoirs…

 



L’art de Régis Jauffret réside dans l’art de rendre plausible l'indicible (faire parler un fœtus). Outre l’exercice de style (écrire la première personne), le marseillais de naissance pose de nombreuse questions fondamentales (morales, éthiques, psychologiques, politiques, littéraires…), à l’heure ou un autre dictateur fait à nouveau trembler le monde. De sa plume (échographique), Jauffret ausculte la matrice du potentiel génocidaire de la nature humaine : ça peut fait peur, mais ça se laisse lire avec attention, plus qu’avec plaisir. Ce qui est un des rôles de la littérature digne de ce nom – et de tout art – qui ne se contente pas de caresser le lecteur (l’auditeur, le spectateur) dans le sens du poil. C’est tout à l’honneur des toutes fraiches éditions Récamier, qui alternent entre publications destinées au loisir et celles plus enclin à la réflexion.

 

Guillaume Chérel

 

 

 

« Une sale Française », de Romain Slocombe, 272 p, 20 €, Roman Seuil. Et « Dans le ventre de Klara », de Régis Jauffret, 256 p, 21, 90 €, Editions Récamier.  





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