ROMAN : PANORAMA

Lilia Hassaine


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White Mirror ou quand la Transparence obscurcit les âmes


Panorama #Polar #Anticipation #Société #Dystopie #BigMother #RéseauxSociaux #ParadisTrompeurs #DictatureMorale #Surveillance #ParodieJustice #Humanité Lilia Hassaine



Introduction

Chronique littéraire en avant-première pour les lecteurs de guillaume-cherel.fr !

Et retrouvez PANORAMA en librairie dès le jeudi 17 août 2023.

 


Nous sommes en 2049. Une famille disparait, là où ce n’est plus disparaître, a priori, depuis que vingt ans auparavant, le 26 octobre 2029 précisément, on a fait le procès de la Justice. Tout a commencé le jour où un célèbre influenceur a porté plainte contre son oncle, après avoir raconté à son million de followers comment cet homme l’avait violé quand il était enfant. Les faits étant prescrits, sa plainte fut classée sans suite. Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal. Lilia Hassaine n’est pas journaliste pour rien. Elle est aussi écrivaine, ou autrice, si vous préférez. Dans son troisième roman, « Panorama » (à paraître le 17 août), elle a imaginé que le dit Julian Gomes (c’est le nom de la victime devenue bourreau) propose un sondage à sa « communauté » : doit-il se faire justice lui-même ?


Récemment, l’italien Piergiorgio Pulixi, a eu à peu près la même idée. Dans son thriller « L’Illusion du mal » (Gallmeister, 2022). Une sorte de Dexter transalpin (serial-killer de serial-killers, pour celles et ceux qui ne connaissent ni le livre, ni la série), surnommé « le dentiste », arrache les dents d’immondes salopards. La télé berlusconienne s’empare de ce psychopathe pour en faire un « super héros justicier ». Mais qui manipule qui ? Je ne vais pas spoiler davantage. Avec Panorama, l’ancienne chroniqueuse télé, bien d’chez nous, va plus loin en se lançant, avec audace, dans une dystopie, qui vise davantage à faire réfléchir, plutôt qu’à divertir. A la manière de Black Mirror, une autre série, plus récente, si proche de la réalité qu’elle en devient inquiétante. Mais il suffit de regarder ce qui se passe en Chine, et aux Etats-Unis, pour réaliser que des livres comme le « Meilleur des Mondes », d’Aldous Huxley, en 1932, puis « 1984 », de George Orwell, en 1949, n’ont pas empêchés l’Humanité de tomber dans le piège du « cauchemar climatisé », annoncé par Henry Miller, dès 1945.


Romans dystopiques

 

Aujourd’hui, l’affrontement des deux blocs, chinois et américains (les Russes sont hors-jeu pour les raisons que l’on sait) se poursuit sur Tik-Tok. Un monde a la fois virtuel, numérique, et ultraréaliste : les données personnelles, recueillies via les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), servent à faire du bizness, mais pas seulement. C’est un moyen de surveiller la population éventuellement contestatrice.

 

Mais revenons à Hélène, l’héroïne de Lilia Hassaine : « On m'a chargée de l'enquête, et ce que j'ai découvert au fil des semaines a ébranlé toutes mes certitudes. Il ne s'agissait pas d'un simple fait-divers, mais d'un drame attendu, d'un mal qui irradiait tout un quartier, toute une ville, tout un pays, l'expression soudaine d'une violence qu'on croyait endormie. » Cette ex-commissaire de police reprend du service pour retrouver un couple et leur petit garçon, Milo. Depuis que la France a basculé dans l'ère de la « Transparence », les citoyens vivent dans un monde harmonieux, libéré du mal, où chacun évolue sous le regard protecteur de ses voisins.

 

Rappelons qu’un panorama est un paysage que l’on peut contempler de tous les côtés. « Transparence » eut été un bon titre également, puisque c’est le mot d’ordre à Paxton, cette ville modèle futuriste, inventée par un architecte « visionnaire », mais surtout par l’autrice de « Soleil amer » (2021), son précédent livre, qui était lui ancré dans le passé. 

 

Ici, les habitants n’ont qu’un point commun : l’argent. La cité se présente comme un « paradis de tolérance et de bienveillance », elle insiste, où il est bon ton d’être jeune, beau et bien portant. Mais surtout « bien vu », voire « m’as-tu-vu » ; c’est le cas de le dire… Tellement bien vu que tout les habitants s’observent littéralement, les uns les autres – pour la « bonne cause » -, au point que les murs sont translucides, en verre, et plastique transparents.

 


Anthologie des dystopies, série Black Mirror Nosedive

De cette manière, impossible de laisser une casserole sur le feu, avec le manche hors de la plaque chauffante, au risque de brûler un enfant. Ou de battre sa femme. … On ne dénonce pas. On émet un « signalement ». Big Mother (la fameuse transparence) his watching you. Dans cette société aseptisée, qui vise la perfection, on a largement dépassé le stade des caméras de surveillance, et des influenceuses beauté. Dans ce moins pire des mondes (pour caricaturer Leibniz), rien n’arrive sans raison puisque le nouveau Dieu (la loi, le règlement, la bienséance) n’est jamais imposé sans (bonne) volonté. Le postulat étant que c’est pour le bien de tous. Encore une fois, ça ne vous rappelle rien ? Il faut avoir vécu dans un village, ou près de voisins intrusifs pour comprendre.

 

Résumons, grâce à la Nouvelle Révolution, les gens vivent dans des maisons-vivariums (quand ils en ont les moyens) et les seuls moment d’intimité (faire l’amour) se pratiquent cachés dans des sortes de lits-tombeaux, munis de bouton d’alarme, en cas de non-consentement. Ça donne envie… Hélène, l’enquêtrice, a beau être lucide sur ce qui se passe, elle se laisse elle-même emprisonner dans une relation toxique avec son mari, David, qui la trompe et lui répète qu’elle est laide.

 

L’intrigue n’est qu’un prétexte pour exposer un contexte général. Les procès se font quasiment en direct-live, dans l’urgence, sur les réseaux sociaux, et à la télévision, du moment que ça fait de l’audience, donc des parts de marché. Les Français ont ainsi récemment voté pour que les enfants délinquants, surtout s’ils viennent du quartier pourri des Grillons (là où les « murs sont menaçants »), soient susceptibles d’être incarcérés dès l’âge de sept ans. Ça vous rapp…

 

Oui, « Panorama » nous rappelle tous quelque chose. Comme tous les bons romans (sociétaux), il pose les bonnes questions sans y répondre. Comprenne qui pourra. C’est écrit simplement, classiquement, dirons-nous, sans effets des plume. Concis, dégraissé jusqu’à l’os, presque glacé, glaçant. Efficace. Sans fioritures, ni scories.


Bibliographie Lilia Hassaine

Lilia Hassaine (30 ans) va en surprendre plus d’un.e, avec ce roman très différent de ses deux premiers. Le premier, « L’œil du paon » (2019) possédait toutes les qualités, et les défauts, des premiers romans (se regarder écrire, tout en voulant tout dire…). Le deuxième, « Soleil amer », est plus personnel et maîtrisé. Celui-ci est déroutant, car on ne l’attendait pas sur ce terrain-là. Il est à nouveau publié dans la prestigieuse collection Blanche, chez Gallimard, mais il n’aurait pas dépareillé dans la Noire. Ce qui, à nos yeux, est un compliment, car les « polars » sont, comme son surnom l’indique, des polaroïds de nos sociétés, passées, présentes, et futures. Telle Joyce Carol Oates, qui depuis trois décennies, au moins, œuvre en électron libre, hors genre, en n’écrivant jamais le même livre, comme de trop nombreux auteurs qui suivent les tendances, il est impossible de deviner quel sera le thème de son prochain roman. Et pourquoi pas de la SF ? Elle en serait capable.

 

 

Guillaume Chérel

 

« Panorama », de Lilia Hassaine, 

235 p, 20 €, Gallimard





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