ROMAN : LES COQUELICOTS

Nedjma


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Nedjma l’amazone

ou La Bukowski du Bled


Les Coquelicots #Algérie #Brûlot #Colère #LibertéSexuelle #Érotisme #Intégrisme #Barbus #Hypocrites #Névroses #Moraline #Lutte #Émancipation #Amour #Vérité #Style #Libérateur #Humanité Nedjma



Introduction


« Les Coquelicots », d’une certaine Nedjma, signe le grand retour de l’autrice du best-seller « érotoWoman », « L’Amande » (vendu dans 26 pays, en 2004). Rappelons que « Nedjma » est un roman de Kateb Yacine, qui raconte l’histoire de quatre jeunes hommes, dans l’Algérie coloniale, qui tombent amoureux de la fille d’un Algérien et d’une Française.


Ceci dit, rare sont les écrivain.e.s qui vous embarquent dès la première phrase : « Quand une pute ouvre sa gueule… », dit Zahra, sans ambages. Avant de régler leur compte à ses compatriotes algériens, par la voix d’un certain Fouad Haouari, « alias Abou Houdayfa el Merdessi, musulman au prépuce coupé dans le respect de la Katiba d’Abraham et la Sunna du Prophète, émir de Katiba des Halaliyyines affiliée à l’armée du Califat qui a prêté serment d’allégeance au Commandeur des Croyants Hussein ibn Assad el Dharrat el Aurassi » (ouf !) : « Il est bon d’insulter Alger, sa race, sa casbah, ses embouteillages, sa bouffe fadasse. »

 

Attendez, ça ne fait que commencer, elle monte en puissance, crescendo :

 

« Qui pourrait le contester ? Elle l’est autant que toutes les villes déclassées alignées en un long chapelet de chancres sur la rive sud de la Méditerranée. Qu’il se nomme Alger, Tripoli, Tunis ou même Beyrouth, le cloaque au cloaque ressemble et les mêmes vivants-déjà-morts traînent leur putréfaction dans les rues jumelles jonchées de destins concassés (…) Ce récit m’a fait bander comme un cerf, rouler par terre de rire et laissé entrevoir une proche délivrance pour mes compatriotes et congénères (…) Si parmi les trois-cent cinquante millions de berbéro-Arabo-musulmans, tous les névrosés venaient à disparaître du jour au lendemain, sans crier gare, par miracle ou par je ne sais quel autre cadeau incommensurable du Ciel, sachez qu’aucun sismographe, aucune bourse ne s’en apercevrait. C’est qu’ils ne pèsent rien, n’inventent rien, ne servent à rien puisqu’ils ne foutent rien. » (je vous épargne les passages les plus crus).


auteurs subversifs

Si un « roumi » (fromage blanc), genre Michel Ouzbek, ou Eric Zorglub écrivait ça, ce serait la fatwa assurée. Ici, c’est une femme, de culture musulmane, en colère, qui s’exprime. Elle crache non seulement sa bile, son venin, sa rancœur, mais lâche à la fois les cheveux et les chevaux. Elle dit ses quatre vérités aux Barbus qui ont cru pouvoir la dominer. Nedjma, la belle rebelle, signe sous pseudonyme pour ne pas avoir maille à partir avec ces hypocrites d’intégristes, qui picolent, se droguent et baisent en cachette, pourfendus au fil des pages de ce brûlot « bukowskien, d’une verve rare. »

 

Plutôt que Bukowski, pour rester aux comparaisons masculines, citons Pedro Juan Gutierrez – surnommé le « Bukowski cubain » - et Henry Miller, pour les passages les plus « chauds ». Côté femmes, on pense à la Virginie Despentes de « Baise-moi » et de « King-Kong Théorie », pour donner une idée de la vigueur de son écriture. Mais Nedjma, ce n’est pas que du parler cash, du sexe et des propos jugés scabreux par les bigots hypocrites. C’est une excellente raconteuse d’histoire, à la hauteur de Naguib Mahfouz et Panaït Istrati. Elle sait planter le décor et faire monter la sauce, si je puis dire. Car elle sait de quoi elle parle. Ça sent le « vécul ». Cette femme a bourlingué et roulé sa bosse. Si elle a si peu publié en vingt ans (trois livres), ce n’est peut-être pas par paresse, ou manque d’inspiration, mais parce qu’elle chiades ses texte, dont l’écriture parait facile, tellement ça coule bien. La marque des grande.s stylistes.

 

Nejma avait déjà confirmé son talent dans « La Traversée des sens » (2009), qui raconte l’histoire de Leïla, répudiée pour « vice de virginité, qui entame un voyage initiatique au pays des sens, du désir de la sexualité féminine, soumise à la loi des hommes ; notamment des « barbus ».


Bibliographie Nedjma

Cette fois, elle lâche la purée, j’insiste, met la cinquième et explose tous les tabous de la sexualité féminine et masculine (gay et hétéro) en terre musulmane, où le sujet est le tabou ultime. Vous avez dit « transgressif ? ». Je dirais plutôt libérateur. Autant lui laisser la parole, puisqu’elle l’a si bien prise : 

 

« Il m’a fallu traverser la mer, supplier la pierre, vendre mes illusions au premier vent qui se lève et qui promet liberté, dignité et sérénité, avant d’intégrer quelques évidences qui décryptent notre chaos neuronal collectif. Cette affreuse mélasse où fermentent des millions de zombies ahuris résulte d’une seule cause : la faim. Une faim obsédante, qui ulule même quand les placards débordent de victuailles. Une faim absurde, irrationnelle et obscène, nourrie par les disettes cycliques, engraissée par la cupidité des maîtres successifs et abusifs, excitée par des prêcheurs aux yeux révulsés et à la voix stridente, qui décrivent le paradis comme une foire gargantuesque où les musulmans se bâfrent tels des cochons de tout ce qui leur tombe sous la dent. Chômeurs et chômeuses, pauvres et pauvresses, gueux et gueuses, déchets scolaires, accros au shit, à la seringue, aux médocs, à la colle forte, ne restent aux inutiles que la mer à traverser clandestinement ou les barbus à servir ouvertement. J’ai fait semblant de servir les barbus parce que moi aussi j’avais (et j’ai encore) faim ? »

 

Faim de sexe, d’amour et de vérité. Les Algériens, les Tunisiens et les Marocains, qu’elle connait bien, en prennent pour leur grade. Comme les Français, dont elle apprécie le niveau de vie (des nantis, car c’est le luxe qu’elle préfère), mais qu’elle juge naïfs, limite benêts. Notamment ceux qui croient défendre la liberté de la femme, en laissant le voile et le niqab s’imposer peu à peu dans l’espace public, dans une société censée être laïque.


Lutte des femmes en Algérie contre l'oppression, le hijab et voile

 

 

Les premiers (algériens sont « soupe au lait », pour être polis, disons plutôt aussi orgueilleux que belliqueux), les deuxièmes (tunisiens) bonimenteurs et pas fiables, enfin, les troisièmes (marocains) biznessmen, pour généraliser (elle nous préviens) :

 

« Frères humains, qui avec nous vivez, regardez-nous, moi et certains de ma génération, sans complaisance et de grâce ne détournez pas les yeux. Ne nous cherchez pas d’alibi ou de circonstances atténuantes. Quel autre enfer que le djihad voudrait de nos vie calcinées ? ».

 

Pour la petite histoire, Zahra, qui ne se ménage pas (en gros, à part le fric, qui lui procure les produits de luxe, le sexe et la gastronomie, elle ne croit en rien et ne regrette pas d’avoir participé au recrutement des apprentis djihadistes, car ce sont des tarés, comme la plupart des êtres humains sur terre). Elle a trop galéré, souffert, d’être née fille, pour se faire des illusions. Elle se marie avec un voisin, Wahel, qui s’avère homosexuel, tombe amoureuse d’un bel aventurier aux yeux verts, qui a perdu toute empathie en l’humanité, sauf un chien lévrier qui lui rappelle son enfance d’enfant battu. L’essentiel des « Coquelicots » (son nom de pute sur Internet) n’est pas là. Il est dans le style, le rythme, la musicalité de ses phrases et de ses mots, bien choisis, bruts de décoffrage Nedjma appelle une chatte, une chatte, et une bite une bite. Elle connait les insultes en arabe mais aussi sa poésie. Elle joue les dures mais au fond d’elle brûle un cœur en fusion. La preuve, elle termine en beauté et réconciliation. Une bonne fois pour toute libre et émancipée. Après avoir pris le pouvoir de vivre comme bon lui semble. Après avoir soulagé les frustrés du cul d’Allah. Les coincés du zob. Yala !

 

Guillaume Chérel

 

 

« Les coquelicots », de Nedjma, 249 p, 

22 €, Plon Editions.


Interview Nedjima, 2014 - L'Amande





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