ROMAN : KOMODO

David Vann


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#Auteur #Polar #Noir #Glaçant #Indonésie #Mer #Famille #Couple #Femme #Psychologique #Drame #Violence #Dépression #Bibliographie 


Une femme au bord de la crise de nerf


Couverture Komodo #Auteur #Polar #Noir #Glaçant #Indonésie #Mer #Famille #Couple #Femme #PsychologiAuteur #Polar #Noir #Glaçant #Indonésie #Mer #Famille #Couple #Femme #Psychologique #Drame #Violence #Dépression #Bibliographie
@ éditions Gallmeister
© Julien Weber
© Julien Weber




Introduction


Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore David Vann  (quelle chance vous avez !), rappelons que c’est un écrivain né en 1966, sur l'île Adak, en Alaska, où il a passé une partie de son enfance, avant de s'installer en Californie, avec sa mère et sa sœur. Quand il a treize ans, son père se suicide. Ce drame a fortement marqué le jeune garçon, et le poursuivra toute sa vie. 


La preuve, une fois encore, avec son nouveau roman Komodo, qui est une variante, au féminin, de "Sukkwan Island", le livre portant sur un drame familial, qui l’a fait connaître en France, grâce aux éditions Gallmeister (300 000 exemplaires vendus, Prix Médicis étranger), en 2010, et redécouvert dans son pays, après plus de quinze années d’indifférence quasi générale. 

 

Porté par son succès français, David Vann est aujourd'hui traduit en dix-huit langues dans plus de soixante pays. Une adaptation cinématographique par une société de production française est en cours. 

 

Venons-en à Komodo, son nouveau roman. Il se passe en Indonésie, sur une île, a priori paradisiaque, où Tracy, venue de Californie, et sa mère rejoignent Roy, le frère aîné de la première, qui termine son stage de moniteur de plongée. Ce sont ses premières vacances depuis cinq ans. Elle entend bien en profiter mais dès ses premiers pas sur le ponton qui la mènera à un club de plongée, elle se met à râler, bougonner, traîner des pieds, tout critiquer. 


Mer Indonésie
© sous réserve de droits

 

Peu à peu, on comprend qu’elle se sent délaissée par son mari argentin, qui lui laisse le soin d’éduquer leurs deux jumeaux, et qu’elle en veut à son frère pour de nombreuse raisons : « Famille, je vous hais ». Il devient vite évident, même inconsciemment, qu’elle n’est pas venue jusque-là pour se rapprocher de son frère, qu’elle n’a pas vu depuis des années, mais au contraire pour lui dire ses quatre vérités, lui cracher sa bile à la figure. Ce qu’elle ne manque pas de faire en public, sans aucune gêne, sous les yeux de sa mère qui n’en peut plus.

 

Avec Tracy (et Vann) on n’est pas dans le non-dit à la Hemingway (la fameuse théorie de l’iceberg, qui dit que la partie immergée, cachée, est la plus importante) mais au contraire dans le trop-dit, l’acte extrême, à la lisière de la raison. Par ses récriminations répétées (elle reproche à son frère écrivain, si brillant à ses débuts, sa vie chaotique, et surtout d’avoir divorcé de celle qu’elle considérait comme sa sœur)… Tracy fiche une mauvaise ambiance en général, et donne une idée très négative de sa famille… de la famille (ce sac de nœud), le mot est lâché.


Couverture  Sukkwan Island
Couverture Désolations
Couverture Goat Mountainjpg

@ éditions Gallmeister


David Vann a publié d’autres livres depuis le fameux Sukkwan IslandIl y a eu DésolationsImpursGoat MountainDernier jour sur terreAquariumL'Obscure clarté de l'air et Un poisson sur la lune.

 

Avec Komodo il renoue avec la thématique qui l’a fait connaître. Un sujet qui peut paraître banal, mais universel, et qui a inspiré de grands écrivains tels que John Fante (et sa série Bandini) et Hervé Bazin chez nous (Vipère au poing), pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui encore, Florian Zeller a parié, avec succès (au théâtre), sur la grande trinité : la mère, le père, le fils… le malsain esprit. Amen ! La mer (sans jeu de mot), il connaît bien aussi.

 

En 2005, il a publié A mile down, récit de son propre naufrage dans les Caraïbes, lors de son voyage de noces quelques années plus tôt. Ce livre fit partie de la liste des best-sellers du Washington Post et du Los Angeles Times. Ce premier succès lui permit de gagner partiellement sa vie grâce à l'écriture et il a pu commencer à enseigner. 


Couverture Dernier jour sur terre
Couverture Aquarium
Couverture L'Obscure clarté de l'air

@ éditions Gallmeister


Les plus belles pages de ce thriller psychologique haletant sont peut-être celles où, suite aux moments de tension, la vie sous-marine apaise les âmes en peine. Sous l’eau, cet autre monde sous-marin, il n’est plus possible de parler (le plus sûr des mutismes disait Kierkeggard), on ne peut que regarder, admirer, ressentir, voire se faire des signes, en cas de danger. 

 

Les passages décrivant les mouvements gracieux des raies mantas, et la crainte des requins mangeur d’hommes (et de femmes) sont d’une envoutante beauté. Cependant, chaque nouvelle plongée coïncide avec une nouvelle descente, encore plus profonde dans les aigreurs et rancœurs de cette encore jeune femme, brillante et ne manquant pas d’humour, qui a sacrifié sa carrière pour se marier et avoir des enfants, passés trente ans. Depuis, elle se sent débordée, grosse, mal dans sa peau, et n’est pas loin de péter un câble, tant elle suffoque. Elle a des envies de meurtre… elle n’est pas loin de passer à l’acte.


Couverture Un poisson sur la lune sur la lune
Couverture Impurs
Couverture A mile down

@ éditions Gallmeister


Komodo n’est pas un roman noir, ni un récit de voyage et d’aventures, issue de la prétendue école du Nature Writing (ça pourrait très bien se passer en montagne, dans le désert, on en forêt, mais la nature n’est là que pour recadrer les personnages, les rendre plus humbles, s’ils le peuvent : c’est juste l’univers, le quotidien de l’auteur). C’est le portrait d’une femme en apnée, aux bords de la crise de nerf. C’est un roman féministe, d’une grande sensibilité. 

 

Avec Jim Harrison (Dalva, La Femme aux Lucioles), avant lui, et Flaubert, évidemment (Madame Bovary), il est un des rares écrivains « mâles » à savoir se mettre dans la peau et la tête d’une femme.  

 

David Vann, une fois encore, réussit le tour de force de nous entraîner avec subtilité, et par petites touches, strate après strate, dans les abysses de la psyché humaine. Avec des mots simples, il va droit au but. Vann décrit les êtres et les choses telles qu’elles sont, pas comme on rêverait qu’ils, et elles, soient. Ses phrases ne sonnent pas vraies, elles sonnent juste. C’est pourquoi on peut s’identifier, entrer en empathie, et se demander comment tout cela va se terminer. Car de drame il n'y aura pas finalement, on dirait ?

 

David Vann surprend encore par son talent renouvelé. C’est un auteur dont on reconnait tout de suite la patte, le ton, le style, la voix, dès les premières lignes. C’est la définition même d’un écrivain digne de ce nom, s’il était besoin de le rappeler. Il écrit des romans glaçants, qui mettent mal à l’aise, ou poétiques, qui donnent envie d’en faire profiter les autres.

 

Guillaume Chérel

 

Komodo, de David Vann, traduit de l’américain par Laura Derajinski,

288 p, 22, 80 €, Gallmeister. 


Logo éditions Gallmeister

Fondées en 2006, les éditions Gallmeister se consacrent aujourd’hui à la découverte des multiples facettes de la littérature mondiale, créant des passerelles entre univers, cultures et continents pour offrir d’inoubliables moments d’évasion.






Télécharger
Une femme au bord de la crise de nerf
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Komodo.pdf
Document Adobe Acrobat 1.2 MB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0