L’Affaire N’Gustro, Little Caesar, Good-Bye Chicago 1928...
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De Burnett à Manchette
La série noire révise ses classiques

Interview, Jean-Patrick Manchette
19 octobre 1983
Introduction
Avant de poursuivre votre lecture, lisez ce passage :
« Le Nègre lui tire une balle qui lui perfore le cœur, ressort dans le dos, sous l’omoplate gauche, par un trou grand comme une tomate ; de la chair et du sang giclent sur le mur éraflé ; le cœur de Butron a éclaté. Sa tête cogne contre le mur et il rebondit en avant, et tombe sur le visage au milieu du tapis. Ses excréments continuent de sortir pendant trois ou quatre secondes après qu’il est mort.
Le Nègre ôte de l’Astra le silencieux tiède et le met dans sa poche, puis jette l’Astra par terre au pied du mur.
Le Blanc met la bobine enregistrée dans une enveloppe, colle l’enveloppe et la fourre à l’intérieur de son manteau de cuir.
Cependant le Nègre décroche le combiné téléphonique proche du magnétophone, et forme un numéro.
- Butron vient de se suicider, annonce-t-il. Vous pouvez venir. »
Nous ne sommes qu’au début de L’affaire N’Gustro (pages 15-17), de la réédition du premier polar (en solo) de Jean-Patrick Manchette, en Série Noire (époque Marcel Duhamel / Claude Soula).
Publié en 1971, il n’est pas sûr du tout qu’un éditeur accepte de le publier aujourd’hui, sans réclamer quelques corrections de bon usage… de la langue, entre autres. Aujourd’hui, Manchette est considéré comme un classique du genre roman noir. Il a pourtant démarré sa carrière de polardeux avec une audace rare.
En effet, il se base sur l’affaire dite « Ben Barka » (un opposant marocain enlevé à Paris) pour imaginer cette tête à claques de Butron, Sympathisant d’extrême droite par défaut, en mal d’argent et de gloire. Un opportuniste, misogyne, méchant, prétentieux, individualiste, sadique sur les bords, mais naïf. Il voulait tout, tout de suite, et se prenait pour un dur. Il se mêle de politique, et de complots, pour la rigolade, au départ. L’aventure…
En se mêlant des affaires de ce N'Gustro, un leader du Tiers Monde, il paie les pots cassés et sera floué par les puissants, les barbouzes, les politicards. En fait, il n'avait aucune chance de s'en tirer. Il a cependant eu la bonne idée de laisser derrière lui un enregistrement racontant son parcours, ses méfaits et de quelle manière il se retrouva mêlé à cette galère.
Comme son homologue de l’époque, ADG (vrai réac, lui), Manchette écrivait comme un Dieu sans se prendre au sérieux. Si vous ne l’avez encore jamais lu (quelle chance vous avez !... de la découvrir), vous pouvez commencer par celui-là, car vous serez surpris. Même « spoilé », sa plume n’ennuie jamais. Dans le genre, ils sont rares en France (Jonquet, Pouy, quelques autres…).
Merci aux éditions Gallimard, via la Série Noire, de le rééditer en grand format. J.P. Manchette, qui a commencé comme scénariste, méritait le cinémascope.
L’Affaire N’Gustro, de Jean-Patrick Manchette,
préface de Nicolas Le Flahec, 217 p, 14 €, Série Noire/Gallimard.



Tout comme l’américain William R. Burnett, scénariste également, mais et qui galéra de même, jusqu’à ce qu’il écrive et publie Little Caesar, un polar dégraissé de toute introspection psychologique, parfois inhérente au genre :
« Rico tira. Une langue de flamme éclaira les ténèbres. Rico visa son chargeur. Tony tomba sans proférer un son. »
Sobre, efficace. L’action se passe à Chicago. Dans la préface, Burnett, qui écrivit également des westerns à succès, pour Hollywood, raconte qu’il s’est tout bonnement décidé à reproduire ce qu’il entendait dans la rue, à l’époque, dans les années 30, en écoutant les vrais gangsters. Une fois publié, l’un d’eux (John, ou « Jo »), lui dit :
« Vous avez fait des études, n’est-ce pas ? Alors pourquoi écrivez-vous si mal l’anglais ? ».
Grâce au travail de Marie-Caroline Aubert, à qui l’on doit cette traduction révisée (en grand format mais collection à liseré jaune, cette fois), le dernier polar de Burnett est également réédité : « Good-bye, Chicago 1928 », sous-titré « Fin d’une époque », il boucle la boucle des années Al Capone.
Les fines bouches trouveront que ça ne vaut pas les plus burnés Hammet et Chandler mais Burnett fait indéniablement partie de l’Histoire du roman policier. Un genre qui ne se prenait pas au sérieux, car il était avant tout alimentaire, au départ, mais qui a donné de sacrés écrivains ; ancêtres de James Ellroy et compagnie. A la relève de jouer…
Little Caesar et Good-Bye, Chicago 1928 Fin d’une époque,
de William R. Burnett, traductions révisées par Marie-Caroline Aubert,
278 p et 228 p, 17 €, Série Noire/Gallimard


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