Wip - Un bon écrivain est un écrivain fauché - chapitre 1

Par Guillaume Chérel

séparateur d'articles

https://www.guillaume-cherel.fr/blog-1/journal-des-bonnes-nouvelles/

 

 

Comment j'ai arrêté d'aigrir

 

Le guide à contre-courant

pour être publié

 



séparateur d'articles

Comment j'ai arrêté d'aigrir


Oui, Gonzigue Saint-Bras s’est torché dans ma serviette. 

C’était il y a une quinzaine d’années. 

Il y a prescription maintenant.


Jean Claude Brialy était encore vivant et j’ai bien aimé le spectacle du Puy du Fou, j’avoue. Pas chouan du tout…

 

Bref, c’était sur la route de Montaigu, en Vendée. J’étais encore un tout jeune auteur, frais et enthousiaste, marchant allègrement sur les pas de mes illustres devanciers : KerouacKesselCendrars

 

J’étais pressé d’en découdre sur les plateaux de télé (puisqu’il fallait en passer par là) et d’aller à la rencontre de mes lecteurs : un foule en délire composée essentiellement d’étudiantes en chaleur et en pâmoison (tout doux, Guillaume, prend tes gouttes, tu vas encore nous faire de l’hypertension).

 

Je me souviens avoir entendu protester le zigue Saint-Bras, dans la navette qui nous menait au dîner offert par l’équipe de Philippe de Villiers, parce qu’il n’aurait pas le temps de se doucher, dixit.

 

Alors, preux chevalier du 9.3, j’avais prestement proposé ma chambre d’hôtel pour qu’il puisse se refaire une beauté, avant l’inauguration du salon qui nous invitait généreusement. La sienne, de chambre, était dans un hôtel plus éloigné du resto.

 

Le dîner se passe. Gonzague ne me remercie pas. Après le dîner, je vais boire des verres avec des attachées de presse, dont Régine Billot, aujourd’hui à Canal +, qui peut témoigner (on savait s’amuser à cette époque, hein, ma bonne dame !).

 

Et je rentre à mon hôtel, quelque peu aviné, sur les coups de minuit.

 

En ouvrant la porte de la salle de bain, laissé lumières allumées, si mes souvenirs sont bons, je constate qu’une serviette de bain traîne sur l’évier : « Il aurait pu la plier », me dis-je…

 

Puis, en voulant ranger ladite serviette, jetée négligemment en boule près du lavabo, j’insiste, j’ai été littéralement sidéré par le spectacle découvert.

 

Le linge, à l’origine blanc comme neige, était maculé de l’aristocratique merde de Gonzigue Saint-Bras.

 

Imaginez mon embarras, le lendemain matin, vis-à-vis de la dame de chambre, qui n’a pas dû croire mes explications.

 

J’aurais dû lui rapporter le lendemain : « Monsieur, vous avez oublié quelque chose… ». Ou le souffleter avec, le provoquer en duel…

 

Dans la journée, comme si de rien n’était, le zigue Saint-Bras m’a couru après pour que j’écrive un article sur sa bio de Lafayette. Je sévissais alors en tant que critique littéraire au magazine le Point. Après mon départ, il ne m’a plus calculé.

 

J’ai pensé à cette serviette pleine de son auguste merde lorsque j’ai appris sa mort. Lui n’était pas fauché.

 

Pourquoi je vous raconte ça ?

 

Parce j’ai bien peur de n’être jamais invité à La Clairière des Bouquins, sise à Chanceux-près-des Loches, l’évènement « incontournable » de la rentrée littéraire.

 

Je vais donc en remettre une couche.

Au point où j’en suis, qu’est-ce que j’ai à perdre ?

 

Je n’ai pas gagné un sou que je puisse économiser avec mes livres.

 

Mais avant d’en venir au fait, pour celles et ceux qui ont lu mon précédent livre, voici ce que j’avais prévu en guise de vraie fin à Un bon écrivain est un écrivain mort.

 

Après le passage de la gendarmerie, venue enquêter sur la disparition des dix écrivains, et qui soupçonnait Francesco, le guide Italien du monastère, d’être le coupable (par jalousie, car ce dernier écrivait dans l’anonymat), un exorciste est intervenu, sur la demande de l’administrateur des Monuments nationaux.

 

Ces derniers suspectaient Oscar Wilde et son neveu Arthur Cravan, pour à peu près les mêmes raisons : jalousie, envie, aigreur. 

 

Peu après, on retrouvait tout d’abord la trace de Frédéric Belvédère, qui avait erré des mois dans la montagne, comme Léonardo Di Caprio dans The Revenant et/ou Robert Redford dans Jeremiah Johnson, pour les plus anciens.

 

Vêtus de peaux de bêtes, les cheveux longs et crasseux, sa silhouette avait hanté la vallée de la Bendola sauvage, jusqu’à ce que le Géant endormi ne se réveille, lors d’un tremblement de terre sur la côte d’Azur qui (ce n’était pas The big one…), heureusement, ne fit pas de victimes (tu parles d’un auteur de roman policier !).

 

Se pensant le dernier survivant des grands zécrivains germanopratins, il se traînait jusqu’à Paris, en marchant, faisant la quête ici et là, tel un vagabond - pour ne pas dire un Sylvain Tesson -, afin de rallier le salon des Loches, organisé par son ami télécrivain, Gonzigue Saint-Bras.

 

Là, il se retrouvait enfermé dans son propre livre, un peu comme un personnage de Harry Potter : seul un QR Code pourrait le délivrer. Tout ça aurait été développé évidemment.

 

Michel Ouzbek lui coulait des jours heureux à la maison de retraite du Temps des cerises, partageant son temps entre concours de boules carrées (le village de Saorge est en pente, rappelons-le), et nuits orgiaques avec les mamies résidentes.

 

Il s’était découvert gérontophile et ne sortait de son bunker que pour jouer le rôle d’épouvantail, anti-corneilles, afin de rendre service à son nouvel ami, Manu, dit l’Homme-Arbre, cultivateur d’oliviers, dont il tirait une huile succulente. Ou bien pour chanter le blues, la nuit, au bar du Heinz.

 

A part Kathy Podcol et Tatiana De Roseray, parties se marier à San Francisco, les autres : Delphine Végane, Christine Légo, Jean de Moisson, David Mikonos et Yann Moite finissaient par réapparaitre, comme par magie, à la télé, pour parler ciné.

 

Moite et Légo se roulaient des galoches au générique d’On n’est pas rendus, sous les gloussements ravis de Laurent Roquet

 

Seule Amélie Latombe continuait d’écrire encore et encore, autant de livres qu’elle a de lecteurs, avait-elle parié. Autant dire qu’elle n’avait pas fini de publier, jusqu’à l’âge de 135 ans, soit la bagatelle de 512 romans ! Sans compter son journal intime de 3 millions de pages… 

 

Évidemment, les vrais responsables de tout ça étaient Oscar Wilde, tombé amoureux du guide italien du monastère, mon ami, le vrai Francesco Scarrone, au grand dam de son neveu Arthur Cravan, le poète boxeur aux cheveux les plus courts du monde !

 

Était-il nécessaire d’en rajouter ?

 

Car j’ai râlé, pesté, traîné des quatre fers, lors des corrections, mêmes au stade des « épreuves », jusqu’au BAT (Bon à tirer) pour imposer ma fin.

 

Laurent Buitoni, recruté par Sophie de Lafourrière, pour m’aider à boucler mon livre à temps, a sans doute bien fait de me brider.

 

Et là je vais vous faire entrer dans les coulisses de l’édition.

 

Car si Un bon écrivain… a plutôt bien marché, c’est parce qu’il vous a fait rire, cher lecteur en manque de rigolades, pas pour son intrigue pompée (pas plagiée, c’est un hommage-clin d’œil), je le rappelle, sur celle d’Agatha… Oui l’auteur ne fait pas toujours ce qu’il veut.

 

Non, je n’ai pas eu besoin de nègre (Buitoni m’a juste aidé à construire le récit qui partait parfois dans tous les sens…). Un bon éditeur canalise son auteur. Il joue le rôle du monteur au cinéma.

 

Outre mon modeste talent, ce succès (relatif, j’insiste) est dû au dynamisme des éditions Mirobolantes, mon éditeur bordelais, mais aussi, et surtout, grâce aux libraires indépendants, comme Gégé La Colère (qui me soutient depuis mes débuts), La Griffe Noire, à Saint-Tête-de-Mort, et de quelques rares journalistes, comme Olivia de Lagarderie, qui m’a donné un sacré coup de pouce en le chroniquant, juste avant Noël, à Téléréveil, surFranche 2.

 

Le lendemain, j’étais au top des ventes sur Rhalazone, et en rupture de stock à la Smak. La librairie La Griffe Noire, à elle seule, en a vendu plus de 400 ! Mais je n’en vis pas encore, loin s’en faut.

 

C’est ce qui m’a amené à changer la direction de ce livre, initialement censé être une suite à ce que vous savez…

 

Restez encore un peu, vous ne le regretterez pas.

 

J’avais interrompu l’écriture de mon roman noir mongol : « Le Loup d’Oulan-Bator » (j’y ai bossé plus de trois ans). 

 

Sophie de Latrimardière (j’adore la titiller sur son nom !), boss de la Mirobolante, que j’avais contacté, depuis une résidence d’écriture, à Madrid, me sachant dans un monastère (autre résidence), m’a demandé si ça m’intéresserait d’écrire un roman policier.

 

Je crois qu’elle rêvait d’un nouveau Au nom de la Rose moderne.

Et moi j’avais besoin d’argent. J’ai négocié un à-valoir et bifurqué à ma sauce.

 

Tout le monde a été surpris : mon nouvel éditeur, coincée après m’avoir envoyé une avance, moi-même, et mon lectorat, plus habitué à ce que j’écrive des livres de voyage, ou engagés politiquement. Dans un style plus brut de décoffrage.

 

Une fois encore, je ne vais pas écrire le livre attendu.

Alors, pourquoi Un bon écrivain est un écrivain fauché ? 

 

Parce que c’est mon quotidien depuis vingt ans.

 

Parce je vis au-dessus de mes moyens (logique quand on pète plus haut que son cul). Mais surtout parce qu’il faut vraiment en vendre beaucoup, des livres, pour avoir les moyens de s’acheter un appartement à Paris.

 

Manque un zéro ou deux à mes chiffres de vente, je vous ai dit.

Il faudrait que je passe à 100 000, au moins. Ça va venir.

 

Je viens de signer chez un gros éditeur, à la fois familial et commercial : Miguel LafouineEt ce sera grâce à vous, lectrices  adorées.

 

Ça vous coupe, hein ?!

Sans le bouche à oreille, rien n’eut été possible.

 

Oui, sans vouslecteurs versatiles. Parfois moutons mais souvent perspicaces, faut dire ce qui est.

 

Pourquoi je vous raconte ça ? Parce qu’écrire et publier ne me suffisent pas. Je veux en vivre. Je ne lâcherai pas l’affaire avant d’y être parvenu.

 

Certains auteurs (souvent moins bons) y arrivent alors pourquoi pas moi ?

 

Si vous faites la queue pour acheter les daubes insipides de Marc Levide et Guillaume Muzovous pouvez aussi bien dégustersans attendre, les œuvres originales de Guillaume Charal.

 

Muuumm Chérel !

 

Guillaume Chérel

Relecture : Marc Gagnon

séparateur d'articles

Lisez, commentez, partagez !


Télécharger l'intégralité du texte


Télécharger
Un bon écrivain est un écrivain fauché
Chapitre 1.pdf
Document Adobe Acrobat 176.5 KB

séparateur d'articles

séparateur d'articles
icône don Paypal

Vous aimez ce chapitre ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0