AUTOBIOGRAPHIE : MINUIT DANS LA VILLE DES SONGES

René Frégni


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#Récit #Jeunesse #Errance #Prison #Révolution #AntiCapitalisme #Liberté #AmourLivres #Manosque #Voyages #Bateaux


Le fugitif sauvé par les livres


Minuit dans la ville des songes  #Récit #Jeunesse #Errance #Prison #Révolution #AntiCapitalisme #Liberté #AmourLivres #Manosque #Voyages #Bateaux René Frégni



Introduction


Depuis son premier roman, « Les Chemins noirs », qu’il eut toutes les peines du monde à publier, en 1988, René Frégni a écrit une quinzaine de livres souvent autobiographiques. Avec « Minuit dans la ville des songes », il raconte la genèse de son amour pour les mots, les livres. Lesquels ont été synonymes de liberté quand il fuyait la gendarmerie qui le recherchait pour désertion (quelle idée aussi d’incorporer un marseillais à Verdun en hiver !), peu après Mai 68. Il doit cet amour de la littérature à un homme, Ange-Marie, corso-marseillais comme lui, qui lui donna le goût de la rébellion, au point de le convaincre d’aller combattre auprès du Che Guevara en Bolivie.


Sans verser dans l’autofiction nombriliste – on est davantage ici dans le récit d’aventures -, Frégni livre une part de sa personnalité qu’on ne lui connaissait pas. A savoir le jeune quasi autodidacte qu’il fut, intéressé par la politique (en pleine guerre du Vietnam), et plus précisément la révolution anticapitaliste. Il le fait avec non pas naïveté, mais candeur, fraîcheur. Mohamed Ali est un de ses héros… Ainsi, il découvre par lui-même, alors qu’il squatte une chambre d’étudiant, à Aix-en-Provence, que les membres de la soi-disant Gauche Prolétarienne (GP) sont des petits bourgeois déconnectés de la réalité du « peuple de l’abîme », comme dirait Jack London. Il se tourne alors vers les trotskystes, qui lui paraissent plus posés, plus intellectuels, et ne se croient pas obligés de jouer aux cowboys. Il travaillait alors dans un hôpital psychiatrique, où il est chouchouté par les infirmières qui le poussent à passer son diplôme (d’infirmier). Ce qu’il fait, avant de devoir s’enfuir à nouveau, comme dans le feuilleton « Le fugitif ».


Che Guevara
Che Guevara

Mais n’allons pas trop vite. Il y a du Panaït Istrati dans sa manière de raconter son errance, lui qui fut en échec scolaire notamment parce qu’on lui décela tardivement une mauvaise vue (et qu’il ne voulait pas porter de lunettes). Comme l’écrivain d’origine roumaine, il a ce don pour nous passionner pour sa jeunesse turbulente à Marseille, ses frasques, ses rencontres, et comment il a toujours été fasciné par les « grands » voyous, qu’il voyait comme des pirates. Des forbans, sans foi ni loi, qui inspirent la crainte, même de la police, et de la gendarmerie (encore elle), à Manosque. La ville de Jean Giono, son « maître » provençal, dont il dévora l’œuvre sans oser aller toquer à sa porte, quand ils étaient quasi voisins : 

 

« J’avais été jadis un voyageur insouciant. Je devins un lecteur de grand chemin, toujours aussi rêveur mais un livre à la main. Je lus, adossé à tous les talus d’Europe, à l’orée de vastes forêts. Je lus dans des gares, sur de petits ports, des aires d’autoroute, à l’abri d’une grange, d’un hangar à bateaux où je m’abritais de la pluie et du vent. Le soir je me glissais dans mon duvet et tant que ma page était un peu claire, sous la dernière lumière du jour, je lisais. J’étais redevenu un vagabond, mal rasé, hirsute, un vagabond de mots dans un voyage de songes. »


Il s’agit plus de mémoires que d’un roman. Celles d’un ex-fuyard, fugitif, rôdeur, voleur, vagabond. Un électron libre, réfractaire à toute autorité, qui préféra prendre la route, comme le beatnik Jack Kerouac, à une époque où les hippies rejoignaient Katmandou pour planer en paix. C’est le récit d’une jeunesse faite d’errance et de lectures, à la fois dur et sensuel, sombre et solaire. De Marseille, où il osa frapper un principal de collège privé trop autoritaire, à Bastia, où il exerce ses talents de danseur auprès de jeunes femmes libres de leur corps 
(sur la piste, car attention aux frères et pères corses, à l’extérieur), c’est le soleil et l’amour des femmes (de sa mère, avant tout) qui le sauvent du chaos. Comme un chat, un ex-minot marseillais, René Frégni retombe toujours sur ses pattes, grâce aux livres notamment, qui éclairent chaque carrefour périlleux de sa vie mouvementée.


Jean Giono Panaït Istrati Camus

 

Gorgé d’énergie (de mots, de phrases, de poésie, d’idées), René Frégni ne se départit jamais de son émerveillement devant la beauté du monde et des femmes qu’il désire. Passionné de paysages grandioses, il se fait à son tour poète pour décrire son bonheur d’exister. Un « kiffe » indissociable de ses chocs littéraires : Camus, Rostand, L-F. Céline, Dostoïevski, Rimbaud, et bien d’autres, qui ont façonné l’adulte et l’écrivain publié (chez Gallimard, s’il vous plait !) qu’il est devenu. Lui l’ancien cancre. Le voleur à la petite sauvette qui fit tant pleurer sa mère… Il le regrette rétrospectivement. Dans le dernier chapitre, intitulé « Le jardin de ma mère », il lui rend hommage en l’imaginant penché sur son épaule quand il écrit son livre, réfugié dans son cabanon provençal qu’elle lui a légué.

 

La boucle est bouclée. René Frégni ne se cache plus, il se livre à l’abri de la méchanceté des hommes. Les gentils, ses meilleurs amis pour la vie, il les a découverts dans les bouquins. Les faux-amis sont ou morts ou en prison. Le grand écrivain de Manosque, maintenant, c’est René Frégni. La preuve, il vit avec un chat, entouré de fantômes. C’est le sort de tous les vrais auteurs qui ont du style. En avoir ou pas… L’éternelle question.

 

Guillaume Chérel

 

« Minuit dans la ville des songes », 

de René Frégni, 254 p, 19, 50 €.






Télécharger
Le fugitif sauvé par les livres
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Minuit dans la ville des songes.pdf
Document Adobe Acrobat 631.6 KB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0