ROMAN : BABYLONE EXPRESS

Mathilde-Marie de Malifâtre


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Les nouveaux Bonnie and Clide

de la dope 2.0


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 Mathilde-Marie de Malfilâtre (c’est son vrai nom !) débarque dans le Landernau littéraire germanopratin avec un premier roman, Babylone Express, halluciné, trépidant, qui laisse pantois de bout en bout.

 

On dirait du Kerouac sous coke… Du San Antonio sous acide. Un Henry Miller, en plus trash, qui aurait piqué la piquouze à Burroughs. Un Tom Wolf (version Acid-Test) mâtiné de Hunter. S. Thompson (période Hells-Angels) et Bukowski qui aurait lâché la bibine pour l’ecstasy. A côté, le Baise-Moi de Virginie Despentes, c’est Martine joue les punks à chien… Arrêtons les comparaisons.

 

Vous l’aurez compris : c’est l’une des révélations de l’automne !

 

Voilà un récrit en apnée, fait de phrases courtes, nerveuses, et au style moderne. Tout le contraire de ces sempiternels romans écrits par des anciens premiers de la classe, bourrés de poncifs écrits par des limaces.

 

J’ajouterai que c’est un livre écrit par une Lilith libérée de tous les tabous sexistes. Une femme libre, plus que libérée. Une affranchie qui couche avec qui elle veut, quand elle veut, de la manière qu’elle veut. Pas une féministe, une femelle assumée, aux griffes acérées, disposant de tous les codes de séduction dont elle joue, selon son humeur. Ses valeurs. Une amazone qui en a… Des ovaires débonnaires. Elle explore, joue, s’éclate comme elle l’entend. Elle vit intensément.

 

Imaginez donc. Luna… de Pâris : ancienne lieutenante de gendarmerie, engagée dans la lutte anti-terroriste, tombe raide dingue d’un défenseur de la cause animale. Elle embrasse et la cause et son héros, un certain Marco, sorte de Neal Cassady (le roi des Beatniks) de la dope 2.0. Un dealer de haut vol, quoi. Ce bel aristo italien, ancien hooligan à Turin, lui fait découvrir l’acide : Luna prend une claque et décolle très haut… puis très bas.

 

A l’instar de Bonnie and Clyde, Luna et Marco vont s’aimer sauvagement en semant leur came du Maghreb à Berlin… Ils ont une éthique : ils n’en vendent qu’à des adultes consentants, friqués de préférence, entre deux parties de jambes en l’air, gonzo-porno, à en faire rougir Ovidie et Brigitte Lahaie.

 

Et, pour une fois, je suis d’accord avec mes « collègues » critiques qui ont repéré cet OLNI (Objet littéraire non indentifiable) avant moi : « Babylone Express : Fulgurant. Explosif. Effréné. Babylone Express est un roman générationnel : celui de la débordante folie de vivre, sans douceur ni précaution.

 

Les agapes sans limites d’un couple voyageant aux hallucinogènes les plus divers — avec les pieds pourtant infiniment sur terre. C’est de la pure absolument pas coupée — littérature, probablement, mais bien plus certainement. Un roman tout bonnement fantastique, incarnation de ce que les frangins Goncourt voulaient : de l’originalité dans le style et le fond. Quelle claque ! Quel plaisir ! Quel bonheur ! ». Nicolas Gary, Actuallité, 20 août 2018.

 

« Une voix d’écrivain se dégage de ces pages. Une voix qui secoue. Une expérience que cette lecture dans une langue « brut contemporain » pleine d’humour. Je vous le recommande chaudement ; ça change des mièvreries autofictionnelles à deux balles. Là, ça dépote. Je ne l’ai pas lâché et je l’ai lu avec une curiosité anthropologique comme s’il s’agissait des Nambikwaras. » Pierre Assouline, La République des Livres, 22 août 2018

 

Mais laissons parler l’éditeur, Dominique Gautier, du Dilettante, à qui elle a remis son manuscrit en mains propres, dans sa librairie, près du théâtre de l’Odéon : « Bon sang (chaud) ne saurait mentir : cette Malfilâtre-là, un nom d’archiduchesse, rend des points à son lyrique ancêtre, Jacques-Louis de Malfilâtre, poète maudit, à l’époque des Lumières.

 

L’héroïne du roman « pitbullise » sa vie jusqu’à l’os, et avale tout sans trembler. En témoigne ce Babylone Express qui entre au catalogue du Dilettante avec des entrechats de voiture-bélier et des vocalises de lance-flammes (…)

 

Les choses avaient pourtant dignement commencé : madrée lieutenante de la gendarmerie nationale vouée à l’observation des éco-terroristes, elle affiche 1,73 m d’efficacité galonnée et 59 kg de pugnacité opérationnelle. Un modèle.

 

Mais voilà qu’elle se découvre et un cœur de chevaucheuse de dragons, et des appétits d’ogresse. Apocalypse XXL. Le dragon, en l’occurrence, se nomme Marco, dealer aristocratique et maquisard végan.

 

Remisé l’uniforme, posées les épaulettes, s’enclenche alors une phénoménale partie de chaloupée cosmique. La bête à deux dos ricoche aux quatre coins de l’Europe. Des bars à beuh de Marrakech aux boîtes à partouzes de Berlin, des chevaliers du taste-shit aux keupons saumâtres,  rien de ce qui fait étincelle ne leur est étranger.

 

Nos tourtereaux dealent, draguent, dansent, se dopent, dévissent et se damnent avec une abyssale fringale de déglingue et un talent instinctif pour les soubresautantes extases lysergiques.

 

Peu importe comment tout cela finit, passé certaines limites, parler de ticket n’est plus tenable. Reste un livre ivre, crépitant et suicidaire, une tonique aubade aux vertiges toxiques. À s’injecter cul-sec. Merci jeune fille ! » Maintenant laissons parler l’auteure.


Entretien




 

Elle le regard rock coquin, des poses aguicheuses à la Bettie Page. Déjà, le nom ! On croit rêver : Mathilde-Marie de Malfilâtre… Sans parler de la bio, qui éveille la curiosité : elle aurait grandi en partie au Japon, et en Normandie. Se passionne pour les services secrets, poursuit des études brillantes en Europe, avant de rejoindre la direction générale de la gendarmerie au Bureau de la Lutte Antiterroriste. Puis elle lâche tout. Vit sa vie de « patacochonne »… et écrit son premier roman : Babylone Express, c’est l'histoire d'une gendarme à l'antiterrorisme, libertine, amoureuse d’un beau voyou qui aime les drogues et les trafics : « Je rêvais d’écrire depuis longtemps. J’ai pris des notes pendant six ans et mis en forme ce livre en trois mois. Le déclic, ça a été une « micro-pointe », le LSD le plus pur sur cette terre. Je me le suis tapé dans un verre d’eau, et j’ai décollé. Après ça, plus rien n’a été pareil… j’ai laissé tomber l’armée et… »

 

-       -  Quelles ont été vos influences littéraires ?

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre : "Outre San Antonio, que je piquais à mon père, qui aimait Jacques Audiard, j’ai beaucoup lu Henry Miller, vers 14-15 ans, puis Hubert Selby : Last exit to Brooklyn… Il était déjà question de drogue (Benzedrine). Le jour de mes 16 ans, on m’a offert Les 120 jours de Sodome, du marquis de Sade. J’ai quand même passé le bac L : j’ai dévoré Voltaire, Kant, Toqueville, Spinoza… Et à la vingtaine, j’ai découvert la Beat Generation : Kerouac, le déclic, pour écrire, et William Burroughs. Plus hermétique… Je n’ai plus lu depuis 7 ans. J’ai peut-être perdu des neurones… Je ne voulais pas être influencée. Que ce soit du sans filtre. C’est du nom réflexif, de l’automatique, de l’écriture spontanée. Avec pour énergie : la rage. Je recommence à peine à relire : Acid-Test, de Tom Wolfe. Avec Neal Cassady au volant du camion… Le Marco de mon livre est pour moi un Cassady des temps modernes. Une comète lancée dans l’univers."

 

-        - Sauf que Marco est un délinquant…

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre : "Oui mais un joli petit délinq’ doué sexuellement… Sous acide, ce qui le rend visionnaire. Avec l’acide, tu ne peux pas tricher : tu es face à toi-même. Il t’amplifie, ça peut faire peur. L’acide, c’est comme un énorme joint. A ce propos, je ne fais pas l’apologie de la drogue. Mon livre est une fiction : je n’ai jamais dealé ! Je connais les « paradis artificiel », il faut que ce soit une expérience introspective. Je ne suis pas Luna. Moi je suis plus carrée, j’ai effectivement été gendarme. Puis j’ai eu envie d’aller voir ailleurs. Dans le livre, c’est le prétendu jour de la « fin du monde », lorsqu’elle rencontre Marco et prend du LSD. Luna ne veut plus de cette vie consistant à traquer des mecs qui libèrent des lapins ! Luna décide de vivre en accord avec elle-même."

 

- Marco est un ultra-violent, limite fascisant…

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre : "Oui, c’est un ancien tifosi du Torino, le concurrent de la Juve à Turin. Faut pas le faire ch… Il a une croix celtique tatouée dans la gencive. Mais avec un grand cœur… envers les animaux. Il sauve des chiens errants. Il a malgré tout une conscience. Il vend de la drogue de qualité à des gens demandeurs, pétés de thunes, de préférence."

 

On pourrait croire à un pseudo, votre nom de famille…

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre : " Je n’aimais pas mon nom : il y a le mot « mal-mâle » dedans. Puis j’ai appris à l’aimer. Ça fait dragon… Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, je viens d’un milieu modeste, en Normandie. La famille, du côté de mon père, a tout perdu pendant la Révolution française. C’est devenue une famille de cultivateurs. J’ai vécu dans les quartiers : 9.4 ; 9.2, avec des gitans qui parlaient le manouche, des teuffeurs, des branchés underground, j’ai connu les clubs libertins, fétiches, BD SM, etc… J’ai navigué dans mal de milieux marginaux."

 

Votre livre est très bien documenté sur le milieu des raves, de la techno, de la nuit et des substances illégales…

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre« Oui, j’ai pas mal bourlingué, expérimenté… J’ai inventé quelques noms de boîtes de nuit. Ma mère a lu mon livre, purgé des passages hot hardcore, et elle s’est mise à pleurer en disant : « ma fille, c’est trop provoc, tu vas aller en prison ! ». Je l’ai rassurée… Mes parents ont aimé. 

 

Quels sont vos projets ?

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre : " Je vis dans l’instant présent, je suis taoïste : ne rien vouloir, ne rien désirer. Mais bon, là je suis en promo. Et mais je viens de terminer un autre livre. Pour le moment, je découvre un autre monde. J’étais au départ dans l’anti-terrorisme écologie radicale. J’étais formé au départ pour travailler sur les radicaux religieux. Et j’ai découvert ces militants de la cause animale… du coup, j’étais en désaccord avec moi-même. Je sais bien que les critiques vont s’intéresser à la partie drogue et sexe, parce que c’est vendeur. Mais j’espère que les lecteurs verront la part vision du monde. Mon personnage est apolitique mais elle est contre la manière dont on traite les animaux dans l’industrie de masse. Luna veut continuer à servir les gens… en protégeant les bêtes. Elle se lance dans la Naturopathie. Ça coûte une blinde : il a bien fallu financer les études… Personnellement, j’ai été végan de nombreuses années, j’achète le moins de choses possible vendus de manière industrielle. Je consomme bio pour préserver la dignité des animaux : je pourrais chasser, mais à la manière des Indiens : en respectant l’animal et la nature. Soit dit en passant : le tir couché, au Fusil Famas, c’est juste un orgasme !  C’est un gros kiff les armes..."

 

Un dernier mot ?

 

Mathilde-Marie de Malfilâtre : "Je précise que c’est un roman inspiré de ma vie passé. Tout n’est pas vrai. Le trafic de drogue, c’est faux : je n’ai jamais rien fait d’illégal… Pour moi, Marco et Louna, c’est un couple qui crée une TAZ (Temporary Autonomie Zone) : une zone d’autonomie temporaire. Ils partent du principe que la société telle qu’elle est ne leur convient pas. Ils décident d’exploiter les failles du système pour créer leur propre univers. Mon credo est : nous pouvons tous créer notre TAZ. Pour moi, Babylone Express, c’est ma TAZ. Ma manière de continuer à vivre en marge. L’écriture de ce livre a été une thérapie… cathartique."

 

Propos recueillis par Guillaume Chérel.

 

Babylone Express, de MATHILDE-MARIE DE MALFILÂTRE,

250 p, 18,00 €, Le Dilettante.





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