ROMAN : UN COLOSSE

Pascal Dessaint


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Le géant qui rapetissa


Couverture Un Colosse #Récit #Noir #Histoire #Enquête #Biographie #Destin #Tragique #Foires #Géant  #Teratologie #Différence #Société #Humanité Pascal Dessaint



Introduction


Une fois n’est pas coutume, Pascal Dessaint, connu pour ses polars chez Rivages Noir,  s’aventure dans la collection « blanche » de ce même éditeur (Rivages), dirigée par Emilie Colombani. Cette dernière est réputée pour aimer les plumes qui nous embarquent (comme Miguel Bonnefoy, récemment, auteur du très remarqué « Héritage », et Edouard Jousselin, plus discret mais aussi bon, pour son excellent premier roman «  Les cormorans »). Il n’est donc pas étonnant que Pascal Dessaint ait sensiblement changé sa manière d’écrire, en l’adaptant à son sujet. Et quel sujet ! 


Spécialiste en ornithologie, l’auteur basé à Toulouse nous a trouvé un drôle d’oiseau. Imaginez un colosse (2, 20 m, 160 kg), dont il raconte l’histoire au cours d’une curieuse ascension sociale. Destiné à être un simple paysan, du 19e siècle, il a « bénéficié » des grandes transformations industrielles pour devenir une légende locale, puis régionale, voire nationale, pour ses talents de catcheur. Mais reprenons depuis le début. Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France, en 1847. D’abord métayer, il accomplit des prouesses physiques, avant de devenir lutteur, lors des foires, et autres fêtes foraines, entre la femme à barbe et l’homme-chat (qui dû combattre un vrai chien, du genre molosse…). Il y a aussi l’homme-vapeur, l’homme-cheval et l’homme-locomotive, ou l’homme-éclair et l’homme-masqué (les Avengers de l’époque !).

 

Les meilleures pages sont peut-être celles où l’auteur décrit, avec un vocabulaire visuel, l’ambiance des foires d’antan. Avec ses camelots, charlatans, saltimbanques, colporteurs, diseuses de bonne aventure, marchands de baumes et de poudres miracles et ces baraques foraines où tout semblait possible, imaginable. Chaque semaine, le marché, sur la grande place, devenait un chapitre de « Salammbô », de Flaubert. Une orgie de couleurs, odeurs et sensations. Sans parler des bonimenteurs : « approchez messieurs-dames ! On ne passe pas sans lire… Il n’y a qu’un Dieu, qu’un soleil et qu’un seul Jean-Pierre le laboureur !»…    

 

Il fit les beaux jours des salles de spectacle de Toulouse. Les plus célèbres athlètes de l’époque le défient. Il est connu comment étant le « Géant-de-Montastruc » (une commune limitrophe de la ville rose). Jusqu’à l’accident (il se casse le dos) et la ruine, qui l’obligent à parcourir la France comme « phénomène de foire ». En effet, il rapetisse de près de trente centimètres, jusqu’à mesurer environ 1, 80 m. Comme s’il n’avait plus de tronc… de ventre, de bassin.

 


Affiche foire et photo Jean Pierre Mazas

Un jour, sur l’esplanade des Invalides à Paris, Jean-Pierre Mazas, tel Eléphant Man, de l’autre côté de la Manche, attire l’attention d’Édouard Brissaud, médecin célèbre, et devient une curiosité scientifique. Il souffre d’hypertrophie osseuse. Menton proéminent, il rappelle les « grands singes anthropoïdes », dixit. Jean-Pierre, à la fin de sa vie, ressemble à un Polichinelle. A une marionnette désarticulée.  

 

Toute proportion gardée, c’est un peu le Quasimodo de Dessaint… que dis-je ? Son Jean Valjean (comme lui il est capable de soulever une charrette). Il a eu l’idée, confie-t-il, de raconter son histoire (oubliée) en voyant l’empreinte de son pied (genre 55 fillette). Aujourd’hui, il serait basketteur. A l’époque, c’était une bête de somme. Pascal Dessaint a enquêté. Et comme il n’y avait plus beaucoup de traces historiques de l’existence du « colosse », issus des « gens de peu », il a non pas inventé mais ré-enchanté cette histoire triste, dans le fond (cet être singulier, différent, a dû se battre pour gagner sa pitance, avoir le droit d’exister). 

 

Jean-Pierre Mazas a eu un destin déconcertant. Il a gagné pas mal d’argent, et la reconnaissance, mais à quel prix !? Au prix de sa santé, physique et morale, sans doute. Son destin tragique pose la question de la différence, quelque-soit l’époque. Et des classes sociales. Tel un personnage de roman de Jack London, ce fils de paysan a du s’en sortir à la force de ses bras. Fils de mineur, du côté de Dunkerque, Pascal Dessaint connait bien ce que Karl Marx nommait le « Lumpenprolétariat » (le sous-prolétariat, les déclassés, exclus, damnés de la terre…). Le peuple de l’abîme. 

 

Admirateur de Jim Harrison et Edward Abbey (de grands écrivains américains estampillés nature-writing), entre autres, Pascal Dessaint, nous livre finalement là un nouveau roman noir. Au sens où à travers le portrait de cet homme à part, ce « surhomme » surclassé, puis déclassé, il décrit une société (capitaliste) basée sur le rapport de force. Pour survivre, le géant de Montastruc a même du combattre « Millehomme »… et plusieurs fois encore. Il est mort jeune, à la cinquantaine, pauvre et quasi abandonné. Comme pour réparer une injustice, Pascal Dessaint lui a offert l’immortalité.

 

Guillaume Chérel

 

Un colosse, de Pascal Dessaint, 

126 p, 16 €, Rivages.






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