Laurent Whale
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Big Lebowski se déchaîne
Introduction
Skeleton Coast (la côte des squelettes) est un parc national, où l’on trouve des ossements de cétacés, et de bateaux, au sud de l’Angola, le long de la côte Atlantique et du désert de Namibie. Lorsque le français Richard Grangier apprend que sa doctoresse de fille a disparue, « avalée par l’Afrique » en guerre, alors qu’elle dirigeait une mission humanitaire en Namibie, il part à sa recherche. Au fond de lui, il sent qu’elle est encore vivante - sans doute prisonnière - mais de qui ? Et pourquoi ? La diplomatie française semble se désintéresser de son sort. Quant aux autorités locales, n’en parlons pas. La corruption règne.
Voici le pitch de Skeleton Coast, de Laurent Whale, un grand chevelu, et barbu, au look de Big Lebowski (il est né en Angleterre, le perfide arpion…), publié au Diable Vauvert… C’est d’ailleurs là, au diable vauvert, que fonce son anti-héros, qui ne se prend pas pour James Bond, dixit Richard. C’est l’un des intérêts de ce roman noir, et de voyage, hors norme, car il est question d’un monsieur Toulemonde aux prises avec de grandes puissances sans âme. Il n’est pas formé pour être un baroudeur, mais le Français a une grande force en lui (et des idées…). Son moteur, c’est non seulement son amour paternel (il a déjà perdu un fils) mais son éthique. Son sens de l’équité.
Il ne s’agit donc pas d’une énième aventure de super-héros invincible, type Bruce Willis, Mel Gibson ou du grand échalas Liam Neeson. Ni d’un « thriller nerveux », comme annoncé en 4e de couverture par un libraire. Au contraire, les cent premières pages décrivent la longue et lente progression, sur un terrain hostile, du fameux Richard, au cœur de la brousse, de la Savane, au milieu de bestioles, toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Le tout à pied et sans tente pour s’abriter. Il n’est pas évident d’être discret quand on est blanc dans un monde de noirs…
Du coup Richard crapahute la nuit, pour ne pas être vu, toujours entouré de bêtes sauvages, rappelons-le. Ce qu’il redoute le plus, ce sont les mercenaires sud-africains, connus pour être les plus sanguinaires de cette charmante corporation. Heureusement pour lui, il croise un routier ingénieux, Joao, qui lui sauve la mise quand des policiers s’apprêtent à lui demander ses papiers dans un boui-boui…
Il est ici question de bizness et de géopolitique, où les anciens colons sont confrontés aux néo-colonisateurs que sont les chinois, de plus en plus influents, tout en jouant les bons samaritains. Ils construisent des routes en Afrique depuis trente ans, pour mieux exploiter les richesses souterraines. D’autres se placent pour maîtriser la gestion des déchets polluants. Ils sont en concurrences avec des multinationales, protégées par des Etats corrompus.
Le cynisme est général et les ONG dérangent parce qu’elles deviennent des témoins gênants. Laurent Whale connait son sujet. Cet auteur de SF prouve qu’il sait renouer avec la réalité. En décryptant les conflits entre régimes paramilitaires, et autres consortiums nébuleux, il évoque un scandale écologique de plus. Les victimes sont, comme toujours, de simples humains lambda. Sans oublier les espèces en voie de disparition.
Bref, loin des regards, la nature est encore une fois bafouée, exploitée, comme en Mongolie (pour les « terres rares »), et dans de trop nombreuses parties du monde, par la mondialisation et le libéralisme sauvage. Skeleton Coast est un livre qui dit le monde dans lequel nous (sur)vivons. Il n’a pas été écrit pour distraire mais pour faire réfléchir.
Skeleton Coast, de Laurent Whale,
480 p, 20 €, Au Diable Vauvert.
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