ROMAN : QUARTIER DE COMBAT, LES ENFANTS DU 19è

Abdoulaye Sissoko


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#Témoignages #Société #France #Paris #Cités #Béton #Quartiers #Enfants #Histoire #Immigrés #Racisme #Capitalisme #Violence #Drogue #Traffic #Terrorisme #Solidarité #Entraide #Réussites #Carrières #Humanité


De la "Haine" à Hollywood en passant par le 19è


Couverture  Quartier de combat les enfants du 19e #Témoignages #Société #France #Paris #Cités #Béton #Quartiers #Enfants #Histoire #Immigrés #Racisme #Capitalisme #Violence #Drogue #Traffic #Terrorisme #Solidarité #Entraide #Réussites #Carrières #Humanité



Introduction


« On dit d'un fleuve emportant tout qu'il est violentMais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent », disait Bertold Brecht. On ne le rappellera jamais assez. Les bagarres entre bandes ont toujours existé, ce, depuis la nuit des temps (cf : West Side Story, le film…). Ce qui est relativement nouveau, en France (une trentaine d’années, approximativement) c’est que la violence ne cesse d’augmenter dans les quartiers dits « difficiles » et « sensibles »… Et pour cause, il faut voir dans quoi « ils » vivent, et dans quelles conditions. 


« Ils », ce sont les enfants d’immigrés, en grande majorité, qui ont été parqués, ghettoïsés, malgré eux (par les gouvernements successifs), depuis les années 70, dans des quartiers bétonnés, cloisonnés, stigmatisés négativement, a priori. Ils sont victimes d’ostracisme à la naissance (comme le Lupemprolétariat d’antan), déclassés d’emblée, dès l’école (les filles s’en sortent mieux, en général), désignés racailles, délinquants, dealers, dans leur ensemble, alors que la majorité d’entre eux se tiennent tranquilles, ou font des choses formidables (en sport, art, bizness, etc), malgré les difficultés ; ou bien ils se débrouillent comme ils peuvent pour survivre.

 

En prêtant sa plume à Abdoulaye Sissoko et Zakaria Harroussi, deux « anciens » du 19e, arrondissement de Paris (comme quoi il n’y a pas qu’en banlieue que ça chauffe), Pauline Guéna, leur donne non seulement la parole, dans « Quartier de combat », avec nuance (car ils racontent et argumentent), mais elle ne se focalise pas sur le microphénomène des bagarres inter-quartiers. Cette romancière et scénariste aguerrie a été sur le terrain, comme une journaliste de reportage au long cours. En partant du plus petit (la vie de deux quartiers d’un arrondissement) elle en dit plus long qu’un long discours, ou un énième plan (poudre aux yeux) des banlieues. 

 

En fait sur la question de l’immigration, et de la société capitaliste postcoloniale, autant dire ce qui est. Pour une bonne part, c’est comme si la guerre d’Algérie n’était pas terminée, ni l’esclavage… « modernisé ». Je pèse mes mots. Prenez le métro à 6 h du matin et regardez la couleur des usagers. Vous comprendrez. Il n’y a que des « noirs », ou presque, dont beaucoup de femmes, qui vont faire des ménages dans les hôtels, ou les bureaux. Quant aux hommes, aux pères et grands-pères de ces gremlins, ces « sauvageons » ingérables, dont on semble ne pas quoi faire, à part les montrer du doigt accusateur ; comme s’ils étaient génétiquement, biologiquement, fatalement dangereux. Alors qu’on a fait venir leurs pères pour construire nos immeubles, et balayer nos rues, ne l’oublions pas. 

 

Comme le paternel marocain de l’acteur de « La Haine », Saïd Taghmaoui, lequel raconte comment il a grandi dans un HLM bâti, en partie, par son père sévère et taiseux. Lui a grandi dans la « Cité des 3 000 », à Aulnay-sous-Bois, jusqu’à son ascension fulgurante, à Hollywood, en passant par les faubourgs de Casablanca. Son livre, écrit avec son ami, éditeur au Cherche-Midi, Laurent Sagalovitsch, dépeint la même vie qu’un jeune issu de l’immigration, de n’importe quelle autre cité de l’hexagone. Ça pourrait être l’Ourcq et le Danube, du nom de deux quartiers du 19e

 

« Quartier de combat », c'est l'histoire d'un arrondissement de paname, où vibre le pouls d'une époque et de deux ou trois générations : « C'est une zone vive et rageuse, chargée de détresse et d'humour, où le trafic de drogue a tout balayé mais où l'on pratique l'entraide et la solidarité ». C'est le récit de certains petits frères qu'on a vus basculer dans le terrorisme mais aussi celui de réussites éclatantes, comme celles de footballeurs pros, ou de danseurs, rappeurs, voire avocats et médecins, businessmen, etc… 

 


Couverture de la haine à Hollywood  et Couverture de  Poursuivre

Pauline Guéna a su capter la parole, avec le jargon, le rythme de la rue. Chaque récit raconte les inégalités, au départ, puis le racisme et la discrimination, ensuite. Etonnez-vous après qu’ils soient en colère, comme Saïd Taghmaoui, cité plus haut. Lui qui croyait qu’après son rôle dans le film-culte de Mathieu Kassovitz, « la Haine », en 1995, les portes allaient s’ouvrir. Au contraire de Vincent Cassel, enfant de la balle, nommé comme meilleur acteur aux Césars, lui n’était cité que comme « espoir » et vite catalogué dans les rôles subalternes (quand on lui proposait) et/ou de « méchant », avec la gueule de l’emploi : l’arabe de service…  

 

Il raconte son déchirement d'avoir dû quitter la France, qu’il adore, et où il a travaillé dans les meilleurs établissements culinaires, parce qu’on ne lui proposait aucun rôle intéressant. Âgé de 47 ans, l’acteur joue toujours des rôles de « méchant », aux Etats-Unis, mais au moins il vit de sa passion. Il est respecté à Los Angeles. Comme Aboulaye Sissoko Zakaria Harroussi, mais aussi François, Thamer, Shan, Adji, Momo, Jonathan, Khalil et les autres, dans le livre de Pauline Guéna, il n'oublie pas d'où il vient. Car ces difficulté, cette violence, mais aussi ces parties de rigolades, cette lutte pour la vie, ont fait d’eux des combattants qui ne lâchent rien.

 

Eux peuvent passer de l’autre côté du périph’, ou de l’Atlantique, pour se réaliser. Les autres, celles et ceux qui n’ont pas grandi dans une cité, ne comprendront jamais ce qui les unis. C’est bien ça le problème. Cette incompréhension. « Quartier de Combat », comme « De la Haine à Hollywood », de Saïd Taghmaoui, mais aussi « Poursuivre », le livre de la procureure de la République, Fabienne Klein-Donati, peuvent aider à comprendre ce qui se passe dans nos quartiers. Encore faut-il en avoir envie. Cela fait des années que des sociologues, écrivains, chanteurs, artistes, intellectuels, éducateurs, journalistes, assistantes sociales, avocates, procureurs… flics, tirent la sonnette d’alarme : « Jusqu’ici tout va bien », disait le refrain de la « Haine ». 

 

En réalité, jusqu’ici tout va de plus en plus mal. Dans « Quartier de combat », il est aussi et surtout question des victimes de cette ségrégation sociale que sont les suicidés, overdosés, plantés, emprisonnés et/ou devenus fous. Ce sont les oubliés de l’histoire.    

 

Guillaume Chérel

 

« Quartier de combat : les enfants du 19e », de Abdoulaye Sissoko, Zakaria Harroussi et Pauline Géna, 218 p, 19 €, Denoël ; « De la haine à Hollywood », de Saïd Taghmaoui, 205 p, 18 €, Le Cherche-Midi, et « Poursuivre », de Fabienne Klein-Donati, 200 p, 19 €, Editions Les Equateurs.


Extrait de "La Haine", Mathieu Kassovitz





Télécharger
De la "Haine" à Hollywood en passant par le 19è
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Quartier de combat.pdf
Document Adobe Acrobat 715.0 KB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0