ROMAN : PORCA MISERIA

Tonino Benacquista


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L'enfance sans lire de Tonino Benacquista


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Introduction


Alors qu’il est de bon ton, chez les écrivains publiés de raconter qu’ils ont lu tout Dumas à douze ans, et Zola à quatorze, Tonino Benacquista avoue avoir souffert mille morts avant de prendre du plaisir à lire « Une vie », de Guy de Maupassant. Il faut dire qu’il n’est pas entré par la grande porte en littérature. Même si c’était Gallimard, il s’agissait de la Série Noire, dont les bureaux ont longtemps été situés à la cave de la rue Sébastien-Bottin. Et encore, son premier polar a été refusé, mais ensuite… Quelle belle carrière d’auteur de roman noir (de scénariste également). Le voilà dans la Blanche, à la soixantaine, auteur enfin respecté par la landernau germanopratin, lui qui a grandi en banlieue rouge.


Il y raconte son enfance à Vitry, où il rencontre un certain Jean-Bernard Pouy (un « passeur »), pion dans son lycée, qui lui ouvre les portes de l’écriture en lui confiant son propre manuscrit. Sous-entendu, si j’y arrive, tu peux le faire aussi. Ce qu’il fit admirablement, on l’a dit. En faisant sienne la formule de Raymond Chandler, à propos de Dashiell Hammett : « Il a sorti le crime de son vase vénitien et l’a flanqué dans le ruisseau. » Lire un livre en entier (cette brique arrogante) fut pour lui un fardeau. Un obstacle. Il insiste sur ce point. Tout a commencé, c’est le cas de le dire, avec « La Guerre du feu », de J.-H. Rosny Aîné (déjà, le nom… faut dire), qu’on lui offre alors qu’il est en CM2. Avec humour, il répète cette première phrase qui le bloque : « Les Oulharm fuyaient dans la nuit épouvantable. » Il aurait lu « Avant Adam », de Jack London, et sans doute eut il été conquis plus tôt : « Lire c’est entrer dans une cathédrale. Ecrire c’est y mettre le feu. Lire c’est un patriarche qui vous veut du bien. Ecrire c’est une petite traînée qui n’en fait qu’à sa tête. Lire c’est l’excellence des autres. Ecrire c’est l’insuffisance de soi. » 

 

Ne serait-ce que pour ce passage, vous pouvez lire le nouveau livre de Tonino Benacquista : « Porca miseria ». Il reste fasciné par celles et ceux qui lisent énormément. Lui, ce qu’il voulait, c’est écrire. Inventer. S’inventer une autre vie. Notamment, après avoir découvert des nouvelles de SF de Ray Bradbury. Quand les programmes télé s’arrêtent, dans les années 70, la neige qui scintille sur l’écran lui font penser aux étoiles dans l’espace.

 

Il faut dire qu’il vit non loin de l’avenue Youri Gagarine, à Vitry-sur-Seine. Ça fait moins rêver.

 

En 1954, la famille Benacquista quitte l’Italie pour s’installer en banlieue parisienne. Les parents, Cesare et Elena (très différents), connaîtront le sort des déracinés (les fameux Ritals de Cavanna). Dans ce très mélancolique récit des origines, Tonino, le petit dernier, né en 1961, restitue le blues de sa mère, et la déchéance de son père ouvrier. Dont il cherche encore aujourd’hui les raisons de son alcoolisme. Il raconte les batailles qu’il a menées à la conquête de la langue française : « Les mots français que j’entends ma mère prononcer le plus souvent sont « cholestérol » et « contrariété ». Je m’étonne qu’une femme ayant tant de mal à amadouer sa langue d’adoption puisse connaître deux termes selon moi si savants. Contrariété l’emporte de loin. Elle finit par se l’approprier comme s’il la débarrassait du devoir d’aller mieux, et qu’une fois prononcé, rien ne l’obligeait à développer, tout était dit, contrariété ». Quand il doit aller chez le médecin, c’est lui qui guide sa mère, quand il est enfant, parce qu’elle est perdue et ne sait pas parler français.

 

Le soir, elle attend que son soulard de mari s’endorme pour profiter de la télé (comme son fils). Pour elle, sa vie est une « ruine », en italien, c’est son lamento : la « rouiiiina », dont le sens est sans équivoque. Quitter l’Italie fut la faute originelle, la source de tous ses maux, la contrariété suprême. Elle finira par tomber en dépression, à la fin des années 70, avant d’enfin retourner au pays à la mort de son mari.

 

Benacquista est émouvant quand il raconte la solidarité et le bon accueil qu’ils ont trouvés, lui, ses sœurs, et son grand frère dans une ville communiste, époque Pif Gadget. Il est touchant quand il découvre son talent de conteur (il doit imaginer une autre fin au roman de Roger Vaillant, « 325 000 francs »). On le découvre agoraphobe et imaginatif. Son talent de stylise, montré en 1991, avec « La commedia des ratés », puis « Les Morsures de l’aube » (1992) ne l’a pas quitté. Depuis, il y a eu « Malavita » (2004) et « Toutes les histoires d’amour ont été racontées, sauf une (2020). Sans oublier les films. C’est le cinéma, la fiction, plus que la littérature, qui l’a sauvé des affres du réel.

 

Guillaume Chérel

 

« Porca Miseria », de Tonino Benacquista, 

196 p, 17 €, Gallimard






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