ROMAN : MOI J'SUIS DE LA RACE ÉCRITE !

Yohann Elmaleh


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#Écrivain #Pensées #Philosophie #Flow #Poésie #Cité #Quartiers #Violence #Drogue #Alcool #Microcosme #Germanopratin


Il faut sauver le soldat Yohann


Couverture Moi j'suis de la race écrite !#PremierRoman #Écrivain #Pensées #Philosophie #Flow #Poésie #Cité #Quartiers #Violence #Drogue #Alcool #Microcosme #Germanopratin Yoann Elmaleh par Guillaume Cherel
© éditions Flammarion
Yohann Elmaleh
© Astrid Di Crollalanza




Introduction


En voilà un qui annonce la couleur : « Moi j'suis de la race écrite!  », c'est le titre du premier roman de Yohann Elmaleh (33 ans), dont le personnage vit quasiment en schizophrène bipolaire (si, si, ça se dit... la preuve) son statut de « sorbonnard », en philo en plus, lui qui vient des quartiers dits sensibles de paname (si, si, y'en a...). 

 

Allez faire un tour du côté de la rue de Crimée, dans le 19e, pas loin du périph » et vous comprendrez. 

 

Les lascars qui y zonent n'ont rien à envier aux caïras de Pantin, les Lilas, la Courneuve, etc…


Ce livre m'a touché parce qu'au même âge, 33 piges (l'âge de qui vous savez qui... à sa presque mort), je publiais « Les enfants rouges »chez le même éditeur, dans lequel je m'inspirais de mon enfance en banlieue (Bagnolet/Montreuil, 93) dans les années 80. 

 

Manque de bol, malgré de bonnes critiques, mon premier « vrai » roman « blanc » (j'avais publié deux polars en 1997 et 1998), a paru le 11 septembre 2001 ! 

 

Comme le jeune Jo chez Elmaleh, j'ai dû jouer les durs au quartier, alors que j'étais plutôt attiré par le vaste monde des lettres. 

 

Une scène emblématique de son récit décrit le fameux Jo, et deux de ses potes, dépouillant un « bobo » dans le métro (version 2.0 de « Zazie dans le métro », de Queneau). 

 

La scène est violente, l'air de rien, car ça pourrait être vous, mais Jo/Yohann, sans pitié (faut pas rêver) décrit sa fascination de futur étudiant pour l'ouvrage que le voyageur terrorisé est en train de lire. 

 

C'est toute la différence entre lui et ses potes, qui vont mal finir, on le devine... 

 

Je dois avouer que cette scène m'a rappelé de mauvais souvenir, car j'étais celui qui intervenait pour empêcher la violence, mais c'est une autre histoire…

 

Mes « Enfants rouges » avaient attiré l'attention du jury du Prix de Flore, au point d'être arrivé finaliste, en 2001, battu au poteau par le plus connu d'entre-nous, Christophe Donner ; je ne l'ai su que des années après... 

 

Ce jour-là ma « carrière » d'écrivain aurait pu changer. Mais je n'avais pas la carte, comme on dit. 

 

Yohann Elmaleh non plus, a priori, et il vient de vivre la même mésaventure que moi en se prenant dans la gueule la pandémie de Covid, puisque son livre a paru en février dernier.

 

Depuis Rachid Djaïdani, les auteurs issus de la diversité, comme ils disent à la télé, ont la côte... 

 

Yohann Elmaleh a la gueule de l'emploi et le patronyme qui va avec (j'écris ça parce qu'une fille à papa m'avait dit qu'avec mon nom de çaifran, je ne pouvais qu'avoir inventé la vie en HLM de cité...). 

 

Les bourges du microcosme de l'édition sont fascinés par les zarma bad boys et la banlieue (ils en ont peur mais... ça les excite). 

 

Bref, Yoann Elmaleh prouve avec ce livre qu'il a le talent pour être un bon, voire un grand écrivain, ce qui ne veut pas dire romancier. 

 

Il a du style, un phrasé naturel, dirait-on, la musicalité d'un slameur et les fulgurances d'un poète. 

 

Il sait reproduire le langage parler (très dur à faire), comme le firent avant lui des François Villon, L.F. Celine, Simonin, Chester Himes, Audiard, San Antonio, Alphonse Boudard, Jean Malaquais, Léo Malet, Prévert, London, Selby Junior, Kerouac... n'en jetez plus. 

 

Ça ne s'apprend pas. Comme un boxeur a le punch, ou un Zidane et Ronaldinho le dribble, on l'a ou on ne l'a pas. 

 

Evidement, ça se travaille aussi, mais le don est là. 

Elmaleh sait passer du dialogue de rue :

 

« J'sais ap », on s'est rossé le rocco mal, ce jour-là. Coups d'têtes ! Balayettes ! Corps à corps ! Patate de forain. Un carnage, frère ! Salam... Bim ! (…) Walah ! C'est pas du mytho.».

 

A celui des aristos de la litote :

 

« Sur la terrasse des Patiots, ça décortiquait déjà tout-va l'enseignement du Barbare. Le souffle de ses idées escortait, suspendu aux vents des haleines, les épaisses fumées des cigarettes que nous absorbions goulûment : et que Descartes faisait fort bien de préciser, quand on le lisait de près, que sentir c'est aussi de la pensée (…) ». 

 

La suite à l’avenant. Il passe d'un langage à l'autre, comme on passe d'un univers à l’autre.

 

C'est un premier roman. Il n'y a pas vraiment d'histoire, mais il y a un style fiévreux, de l'alcool, du sexe et de la drogue. Beigbeder va adorer, mais aura-t-il les couilles de lui filer le prix de Flore ? 

 

Il y a deux ans, lui et sa bande de germanopratins installés n'ont pas osé le filer à Mathilde Marie de Malfilâtre, au prénom d'archiduchesse, pour « Babylone Express » (Le Diletante 2018), récit halluciné narrant les divagations de Luna, amoureuse d'un supporteur de foot italien radical défenseur de la cause animale, et par ailleurs trafiquant de drogue... 

 

Sauront-ils reconnaître le véritable écrivain ? 

 

Lors de ses errances dans paname, le Jo/Yohann rappelle les meilleures pages du duo de bourlingueurs de l'écrit : Henry Miller et Blaise Cendrars. 

 

Le genre d'écrivains qui réveillent la langue, bousculent les codes.

 

Avec cette première « graillance », Elmaleh montre qu'il en a sous le coude. Il joue les cyniques mais c'est un grand sensible. Il se la pète modeste mais il ambitionne de séduire les plus sauvages et belles blogueuses. 

 

Quand on comprend d'où il vient, on a envie de lui dire : continue ta route, petit scarabée, tu as fait le plus dur. Ne regarde plus dans le rétro. 

 

Tu fais partie de la race écrite, ma gueule. Tu parles la France mieux que ces coincés des belles lettres qui se regardent écrire. Va donc mettre un high-kick dans la fourmilière. 

 

Méfie-toi des sourires d'hypocrites lors des cocktails. Continue d'écrire, mon p'tit pote. Fais entendre ta voix.

 

A la fin, c'est ça qui restera. Tes phrases écrites. Les traces de ton passage en lis-tes-atures. 

 

Tu es de la race des écrivains, pas des romanciers. Certains romanciers ne sont pas de bons écrivains. Et certains écrivains ne seront jamais romanciers. Les plus grands allient les deux. 

 

Pour ma part, j'attribue le Prix de Flore 2020 à Yohann Elmaleh pour « Moi j'suis de la race écrite ! »paru chez Flammarion (236 p, 19 €).

 

Guillaume Chérel

 

P.S : Je ne serai pas à la remise du prix because Covid de mes glaouïes et surtout parce que j'habite Marseillerouïha. Porte d'Aix, autant dire Bab'el Oued city. La porte de treuilmon, quoi. Big G. Chérel est avec toi.

 

 





Télécharger
Il faut sauver le soldat Yohann
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Moi j'suis de la race écrite !.pdf
Document Adobe Acrobat 375.5 KB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0