POÉSIE : LE VOYAGEUR INACHEVÉ

Éric Poindron


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Le vagabond des étoiles filantes


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Introduction


Tout est dans le titre : « Le voyageur inachevé ». Eric Poindron est un poète qui écrit (en prose) de curieux livres à son image : décousus, tarabiscotés, kaléidoscopes, fantastiques - étranges et pénétrants -, éclatés, biscornus, sans queue ni tête, mais érudits, car bien accompagnés. Il y a du Blaise Cendrars en lui. Sauf qu’à la place d’Henri de Gourmont, l’érudit éclairé, il se réclame de Gilles Lapouge, Michon, de Nerval, Gracq, Breton, Twain, Poe, Onéguine, Pouchkine, Byron, Wilde et j’en passe. Quel casting ! Voilà un solitaire bien entouré. 


 

Sacré générique, autour de ce flâneur, plus que bourlingueur, un vagabond des étoiles de l’imaginaire, un météore planté dans sa tour d’ivoire (pas carrée), une mine de pépites, et autres fulgurances, à lui tout seul. Chez lui, rien n’est abouti, tout est complet. C’est un dilettante qui joue à être écrivain : « Comme je ne travaille presque jamais, j’en suis arrivé à la conclusion que mes livres – trop nombreux – s’écrivent tout seuls ; ou d’eux-mêmes puisqu’ils s’entassent dans mes tiroirs – les trois tiroirs de droite du bureau où je conserve mes baumes, mes crapaud et mes onguents ».

 

Sa première maison d’édition ne s’appelait pas « Coq à l’âne » par hasard. Comme le fait qu’il soit fasciné par les cabinets de curiosité (sa nouvelle collection s’intitule Curiosa & Caetera). Poindron en est une lui-même, de curiosité. Il ne cesse de passer d’une idée à l’autre, d’un bon mot à l’astre… Sa femme. Qui le protège et l’accompagne lors de ses dîners, et autres rencontres, qui rappellent les salons littéraires d’antan. S’il était russe, il serait déjà mort, d’une balle dans la tête. Sa tête-grenier, d’homme dont la tête est une forêt, de phrases-branches, reliées les unes aux autres, où se mêlent souvenir de rencontres et de lecture. Son cerveau est une bibliothèque. Il ressemble au professeur Choron, dont il partage la rigueur humoristique, et la coupe de cheveux. 

 

Mais c’est Arthur Cravan, qu’il défie sur le ring des mots, écrits-gravés avec du sang blanc. Cravan, le « poète aux cheveux les plus courts du monde »… Comme Choron. Lisons-le avant qu’il ne se fasse hara-kiri. Rira bien qui rira de son dernier bon mot. Un ouvrage d’Eric Poindron ne se lit pas, il se butine, se déguste. Il se picore sans faim. Sans début ni fin. Eric Poindron est davantage un passeur (tout un art), qu’un créateur pur. A la manière d’un Francis Lacassin, dont les préfaces de Jack London, et Gaston Leroux, valaient mille œuvres prétentieuses mais sans saveur.

 


Éric Poindron dans son atelier d'écriture

Dans « Le Voyage inachevé », Éric Poindron célèbre les fous littéraires, la poésie, donc, mais aussi les géographes, et les marcheurs de l’inutile. Son livre raconte vingt-six jours ou, plus justement, vingt-six nuits. Comme les nuits d'octobre de Gérard de Nerval… Sacré narvalo ! Une épreuve et une expérience : écrire chaque nuit un texte, un fragment, une correspondance, une fiction, un voyage, une rencontre, un oiseau, une lumière, une confession ou une bibliographie ; comme un automne de voyage qui durerait une année ou une vie. Vingt-six nuits dans un musée à déambuler et à endosser les habits de cet étrange gardien, conservateur de l’inutile et éphémère beauté des mots qui danse avec la musique. 

 

Contrairement à ce qu’il affirme (faux modeste), Eric Poindron travaille beaucoup, puisqu’il crée même en dormant. Il rêve les yeux ouverts, comme tous les vagabonds des étoiles. La définition même de l’authentique poète.

 

Guillaume Chérel

 

« Le voyageur inachevé », d’Eric Poindron, 

234 p, 16 €, Le Castor Astral.


Cabinet de curiosités, imaginaire
Cabinet de curiosités de Worm• Crédits : Christian SW




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