Agnès de Clairville
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La parabole du loup
Introduction
Le récit commence par un bizutage. Dès les premières lignes, on a envie de crier à la jeune fille en fleur : « Casse-toi d’ici ! Refuse… Dis non ! ». Le problème, c’est que même si elle dit non, le garçon (l’ogre) insiste et la force. Or, elle ce qu’elle veut, en son for intérieur, c’est de voir le loup… Reprenons. Nous sommes à la fin des années 80. Une jeune Versaillaise, bon teint, fait son entrée dans une école d’ingénieurs à l’écart de tout. De la famille, des lois, des règles de bienséance. Le bizutage commence. Pour qui n’a pas vécu ce genre d’expérience humiliante ne peut pas comprendre ce que cela doit faire de subir ces séances de sadomasochisme.
Agnès de Clairville décrit très bien l’ambiance. Elle dit les choses. Appelle un chat un chat. Les mots sont crus. On sent que c’est du vécu. Son double romanesque subit sans broncher (alors qu’une fille obèse rouspète…). Elle attend que l’épreuve se termine pour enfin découvrir la/sa sexualité. La liberté. L’interdit, suppose-t-on. Elle fantasme sur les garçons, a envie de sensualité, se laisse peloter, du coup passe pour une fille facile…
La jeune fille naïve finit par se laisser séduire par un bel étudiant charismatique, de six ans son aîné. Arrive ce qui pouvait (et non devait) arriver… On s’y perd un peu parfois dans les personnages, et la chronologie, à force d’aller-retour en flash-back. Il y a Arielle, la narratrice, Françoise, Inès, Guillaume (ou Eric ?) et Mowgli. Le style est parfois plat, monocorde. Il pourrait changer à chaque nouveau narrateur, mais l’essentiel n’est pas là. Il est des livres dont le fond (le sujet) dépasse la forme. Agnès de Clairville annonce la couleur dès le bandeau de son premier roman : « (…) c’est celui que j’aurais aimé offrir à ma fille le jour de ses seize ans. ».
Tout était déjà dans le titre : « La poupée qui fait oui. ». Le départ de sa fille est l’occasion pour Inès de revivre sa propre histoire : la rupture avec un monde clos et pétri de traditions, qu’on peut imaginer catho, la liberté d’une chambre seule, la découverte du rock alternatif, période Bérurier Noir, et puis, très vite, trop vite, une grossesse, la solitude et le retour à la case départ. Et si un pesant secret enfoui dans la psyché s’immisçait dans leur histoire de mère et filles ?
La réalité s’impose vingt ans après les faits. C’était un viol. Prescrit, puisqu’il date d’il y a trente ans. En postface, Agnès de Clairville confesse que ce livre est né des affaires DSK, Polanski, Weinstein, Georges Tron, Maztneff… Elle aurait aussi pu citer Hulot, PPDA et remonter encore plus loin, puisque la violence faite aux femmes existe depuis l’aube de l’Humanité, et qu’il est temps que ça change. L’autrice dépeint très bien ce qui se passe dans la tête d’une jeune fille romantique, prête à s’enflammer, rêvant de sensualité, d’amour, et ne récoltant que brutalité et machisme.
« La poupée qui fait oui » pourrait être publié dans une collection pour adolescents. Il devrait être lu par toutes les lycéennes, et les lycéens, puisque l’éducation a une part prépondérante dans cette situation insupportable. Tout est dans le rapport de force. Le libre arbitre. Dès le bizutage, elle aurait dû dire « non ». Mais nous disons oui à Agnès de Clairville. Dès son premier roman, elle aborde un sujet fondamental. Vivement le prochain !
« La poupée qui fait oui », d’Agnès de Clairville,
273 p, 18 €, Harper Collins
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