ROMAN : KATERINA

James Frey


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Les tribulations de James Frey, ou le fils caché d’Henry Miller…


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© Flammarion
James Frey
© sous réserve de droits




Introduction


Résumer le travail de James Frey (Le dernier Testament de Ben Zion Avrohom, 2011) à la polémique suscitée par son mea culpa à propos de Mille Morceaux (2003) est très réducteur et injuste.

 

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas cette histoire, très américaine, rappel des faits : à la publication de ce livre, son éditeur (et donc lui-même) l’a « vendu » comme une autre biographie racontant la lutte d’un jeune-homme contre son addiction à la drogue...


Jusque-là rien d’extraordinaire, sauf que...


 

... le roman est tellement convaincant qu’il atteint des sommets en terme de vente, notamment grâce à l’invitation d’Oprah Winfrey, sorte de Bernard Pivot féminin, à la puissance 10.

 

Bref, un fouille-merde découvre que James Frey n’a jamais vraiment été en cure de désintoxication et l’auteur est sommé de s’excuser à la télé, lors d’un show public, en forme de tribunal populaire (dans lesquels il faut se montrer 'désolé', 'regretter' ses 'erreurs'...) dont sont friands les puritains américains.

 

Cela va de l'adultère ("sucer n'est pas tromper") remember l'affaire Monica Lewinsky/Clinton, à l'extermination des indiens et la guerre du Vietnam.

 

En quelques lignes, la meilleure réponse du dit James Frey tient en ces mots :

 

« J’ai essayé d’écrire au plus proche de la réalité. Disons qu’il y a dans ce livre 85% de réalité et 15% de fiction car mon boulot reste de distraire.

 

Ce n’est pas de la fiction réelle, et ce n’est pas de la non-fiction. Le héros de ce livre est très proche de moi.

 

Je voulais exciter et amuser le lecteur.

 

Mon travail, c’est de ficeler les mots pour en faire une phrase, ce n’est pas de me soumettre à la réalité, juste écrire le meilleur texte possible ».

 

Cette précision vaut pour Katerina, sorte de préquelle (une œuvre dont l’histoire précède celle d’une œuvre antérieurement : le fameux Mille Morceaux).

 

Ce préambule était nécessaire pour qui s’intéresse vraiment à la littérature, et non aux polémiques stériles, passons au sujet du dernier opus de James Frey, l’un des auteurs américains les plus sulfureux avec Bret Easton Ellis.

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En 2017, à Los Angeles, Jay (très proche de James, en effet…) est un auteur à succès, marié, père de famille, mais déprimé, blasé, désabusé.

 

L’argent et la célébrité ne lui suffisent pas pour être heureux.

 

Mais de mystérieux messages - d’une certaine Jente Paenbek - sur Facebook, le ramène à l’année 1992, alors qu’il était étudiant à Cleveland, très amoureux d’une fille de bonne famille prévoyant de s’installer à San Francisco.

 

Lui-même né dans une famille aimante sans grande difficulté matérielle - il trompe alors son mal-être en prenant de la coke de temps en temps et mène une vie pépère d’étudiant américain moyen, sans grandes folies.

 

Jusqu’au jour où son colocataire laisse sur son lit un livre d’Henry Miller : « Tropique du Cancer » (une bombe), qui lui ouvre de nouveaux horizons.

 

C’est décidé, Jay sera écrivain.

 

Et pour arriver à ses fins, il décide d’aller vivre à Paris, comme Hemingway, Fitzgerald… et Miller, ses illustres prédécesseurs :

 

« J’avais l’impression qu’on venait d’allumer une ampoule dans mon esprit, dans mon cœur, dans mon âme ».

 

Son but est d’écrire le livre définitif, le grand roman américain qui va « réduire le monde en cendres ».

 

Le problème, c’est qu’il passe plus de temps à boire de l’alcool, à se droguer, et à baiser qu’à écrire.

 

Il jette tous ses manuscrits dans la Seine…

 

Sur ce, Katerina, une jeune mannequin norvégienne, aux boucles rousses, survient dans sa vie. Il en tombe fou amoureux, notamment parce qu’elle est insaisissable.

 

Vingt-cinq ans plus tard, rongé par la dépression, c’est elle qui le recontacte, sous pseudo.

 

C’est le prétexte pour se souvenir de ses jeunes années parisiennes, au début des années 90, quand il avait faim et errait de la rue Saint-Denis à la place de la Concorde, du Polly Maggoo au Café de Flore, des quais de Seine aux Bains Douches du Marais, où il faisait la fête avec Philippele fils à papa éboueur (sic !), ou Louis, homosexuel amateur de jeunes beurs ; et surtout de cette Katerina qui n’a cessé de le hanter depuis qu’il a réussi.

 

Celle qui incarne le fol amour et le chant/champ des possibles, lorsqu’on est jeunes et insouciants :

 

« Ouvre la porte. Sors. La vie t’attend. Le sexe et l’amour et les livres et l’art. le soleil levant ou couchant. Des rires et de la musique. Un coin tranquille où se poser. Pour lire ou réfléchir ou voir les heures défiler. Ou pas. Marcher. Au milieu du chaos, des gens, du bruit. Un coup de klaxon. Une moto. Des gens qui discutent. Des clochettes qui tintent aux portes quand elles s’ouvrent et se ferment. Un couple qui se dispute, un bébé qui pleure. Marche ou danse ou pars ou cours, fais tout ce que tu veux, va où tu veux. Tu trouveras peut-être quelque chose de magnifique ou quelque chose de terrible ou rien du tout. L’extase ou le désamour. L’aventure ou l’ennui. Ouvre cette putain de porte. La vie t’attend… ».

 

Vrai ou pas vrai, on s’en tape, en réalité.

 

Ce qui compte, c’est qu’un livre, un roman sonne juste, soit bon ou pas. Qu’on entende une voix. Celle de James Frey est reconnaissable entre mille.

 

Déjà, il écrit comme bon lui semble, en faisant fi des règles de ponctuation et des jolis mots à 100 dollars, comme disait « papa » Hemingway.

 

Avec Katerina, il prouve une fois encore qu’il est bien le digne héritier d’Henry Miller, mais aussi de Cendrars, Kerouac, Bukowski, et Pedro Juan Gutiérrez, le cubain.

 

Des écrivains qui ont brûlé leur vie en buvant autant d’alcool qu’ils ont déversé d’encre noire sur les pages.

 

Katerina, c’est l’histoire d’un jeune américain qui en voulant devenir écrivain découvre l’amour, donc la mort. Pas seulement la mort de l’amour.

 

Donc la lutte pour la vie, la découverte de la souffrance mentale et physique (il se bat, picole jusqu’au coma éthylique).

 

Car, au bout du compte, c’est après dix ans de travail acharné, que Jay, comme James Frey, parvient à se faire publier (sauvé par la littérature) et à imposer son nom dans le Gotha des écrivains brûleurs de vie.

 

Vivement le prochain James Frey !

 

Guillaume Chérel

 

Katerina, de James Frey,

traduit de l'anglais (États-Unis) par Diniz Galhos

356 pages, 21 euros, Flammarion.

 





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