Judith Rocheman
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Les militantes de l'ombre
Introduction
Vous avez aimé Coup de Foudre, le film de Diane Kurys, avec Miou-Miou et Isabelle Huppert et Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, avec Josyane Balasko ? Vous aimerez Fièvres rouges, le premier roman (maitrisé) de Judith Rocheman, étonnamment publié chez Plon, quand on connait le contexte, depuis des mois, dans cette grande maison d’édition (pour résumer, elle penche à droite de la droite). En effet, il est question de Julia Guzmán, fille d’un républicain espagnol, mort pendant la guerre civile, qui décide de militer au Parti communiste, en France, à Paris.
Elle qui est fière de reprendre le flambeau d’un si bel idéal se voit confrontée à l’aveuglement staliniste. Car elle aussi y croit, au début, comme le couple de reporters, Martha Gellhorn et Ernest Hemingway, en Espagne, quelques années auparavant, à Barcelone (encore un beau film adapté de cette période…). Comment ne pas y croire ? Quand on est jeune, altruiste, et enthousiaste. Des générations se sont laissées prendre par l’illusion d’un monde meilleur, qui ne peut s’améliorer que lentement. Car les hommes ne sont que des hommes. Et les femmes ont un double combat à mener : lutter contre la bêtise des réactionnaires et le machisme ouvriériste des mâles… mal éduqués. En attendant le progrès humain (à long terme), il faut lutter contre le danger immédiat du fascisme.
C’est avec détermination que Julia s'est engagée, au lendemain de la guerre, dans la cellule communiste de la place d'Italie pour porter les idées du camarade Staline. Elle est cornaquée par le « camarade » Sergueï Dimitrov (le Poutine local), membre actif du Parti (les Russes sont dans la place !), qui tente de la conquérir, mais c'est de sa femme, Émilie, dont Julia se rapproche (sororité, sensualité, quand tu nous tiens…). Une histoire d’amour naît, dans ce monde d’hommes où les femmes n’ont pas leur place. Et pendant la « guerre froide ». Elle va devoir mener un double combat, répétons-le. A la fois intime, secret, qui pourrait bien ébranler ses convictions les plus ancrées.
Judith Rocheman mène son récit de main de maître.sse. Elle décrit parfaitement l'atmosphère chargée d'électricité (sentimentalement, psychologiquement, politiquement). Dans les années 50,
la condition féminine en était quasiment au point zéro. Son récit, réaliste, fait froid dans le dos. L'autrice voyage à la fois dans le temps, la géographie, et l'Histoire avec un grand H. Elle
mêle savamment l’intime au général. Au moment où le « petit père des peuples » sème la terreur, elle se bat pour s’émanciper de la domination masculine (patriarcale… après tout, son
père marxiste y est aussi pour quelque chose) et le cynisme du double-discours. La schizophrénie, provoquée par le goût du pouvoir, mène à trahir le mouvement ouvrier. C’est ça le pire :
trahir ses idéaux. L'homosexualité entre femmes est au second plan. Ce qui compte, ce sont les sentiments. La force de ces femmes pour supporter tout ça. Il s’agit d’un roman sur l'émancipation
féminine à son préliminaire. Notamment pour l'obtention du droit à l'avortement constamment remis en cause, encore aujourd’hui.
Judith Rocheman est née en Essonne en 1981 et vit aujourd’hui près d’Étampes. Petite fille de l’humoriste Lionel Rocheman, et nièce du pianiste de jazz Manuel Rocheman, elle est professeure de Français depuis 2005. Elle anime également un atelier théâtre pour lequel elle a écrit plusieurs comédies. Fièvres rouges est son premier roman. Et sans doute pas son dernier. Bravo et au suivant !
Fièvres rouges, de Judith Rocheman,
380 p, 20 €, Plon.
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