ROMAN : COMMENT FONT LES GENS ?

Olivia de Lamberterie


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Femme au bord de la crise de « nerd »…


Comment font les gens ? #Littérature #Édition #Femmes #Valeurs #Diktats #Sororité #Famille #Éducation #Féminisme #Lucidité #Blues   Olivia de Lamberterie



Introduction


Olivia de Lamberterie est « critique » littéraire (encenseuse, plutôt, tant elle aime s’enthousiasmer pour les bons romans). Elle a pris son temps avant d’oser se lancer en littérature. Pour elle, un livre n’est important que s’il est écrit par nécessité. Ce jour est arrivé à la mort de son frère, Alex, qui s’est suicidé à Montréal en 2015. Elle a ressenti le besoin d’exprimer sa douleur et sa colère. Trois ans plus tard, elle publie son premier livre (« Avec toutes mes sympathies », Stock, 2018), un récit autobiographique poignant, dans lequel elle écrit comment et pourquoi les morts nous rendent plus libres, plus vivant. Plus visibles, du coup.


La preuve, elle continue sur sa lancée. Une fois encore, c’est un récit, plus qu’un roman, qui sort des tripes. Anna, la cinquantaine, semble avoir une vie paisible de bourgeoise privilégiée. Elle vit dans un beau quartier de la capitale, a trois grandes filles sublimes, un beau mari brillant et un métier qu’on lui envie. Elle est éditrice. Mais dans les coulisses de la comédie humaine, et surtout sous sa boîte crânienne, ça boue, fume et fulmine, jusqu’à friser l’explosion. On pourrait la croire protégée des aléas de la vie. Or, cette parisienne est « subclaquée », comme des millions de femmes qui endurent une « charge mentale » qui les mettent au bord du « Burn out » ; le fameux nervous breakdown, comme on disait dans les films écrit par Audiard père.

 

Sa boss a beau être une femme, elle est loin de faire jouer la « sororité ». C’est une peau de vache, prête à tout pour vendre et se vendre, même les sujets les plus racoleurs. Sa mère, féministe à l’ancienne (époque MLF) commence à dérailler, à cause de la vieillesse, et continue de la tanner avec ses leçons de morale révolutionnaire. Ses filles sont encore plus radicales (tendance woke »). Elles s’expriment comme des charretières. Le beau mari brille en réalité par son absence, en ce qui concerne les tâches ménagères en tout cas. C’est le genre de mâle à clamer bien fort : « J’ai lancé la machine ! », comme s’il attendait qu’on l’applaudisse.

 

Tout ça ne semble pas très grave. D’ailleurs, Anna en rigole, comme sa créatrice (Olivia, son double), elle a de l’humour. Elle relativise, encaisse, prend sur elle. Toutes deux ont tendance à se réfugier dans le passé, quand tout avait le l’air plus simple (quoique… François Nourrissier, le pape de Saint-Germain-des-Prés la traita d’enfant pour faire un bon mot).

 

« Comment font les gens ? », se demandent-t-elles (page 46). Tout y passe. La propension des femmes/mères à culpabiliser, parce qu’on leur a appris qu’elles devaient être parfaites : bonne épouse, bonne fille, bonne maman, bonne au lit… et bonne à la maison : « Laisse, la femme de ménage s’en occupera », dit l’époux, qu’elle tromperait volontiers, - juste une fois, comme dans un fantasme -, mais elle est fidèle. Fidèle à ses idées de jeune-fille… Elle continue à l’aimer, son Peter. Son complice. Qui a le don de tout tempérer. De ne pas user son énergie à côtoyer des toxiques.

 

Anna a des valeurs auxquelles elle s’accroche vaille que vaille. Sans pour autant être naïve. De nombreuses choses l’horripilent. La manière dont on parle des vieux, par exemple, qu’on appelle cliniquement « séniors », alors qu’on les laisse faire sous eux dans les Ehpad. La dictature du chiffre, de la rentabilité, dans ce monde ultralibéral, basé sur les rapports de force, la visibilité, la notoriété, l’apparence. Ce qui rend les gens cyniques et/ou agressifs. L’hypocrisie des rapports humains, dans le monde de l’édition, notamment, où les égos sont diamétralement (dis)proportionnels au faible talent des auteurs…

 

Heureusement qu’il y a les amies, comme Louison, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Lorsqu’Anna lui dit qu’elle a cru voir sa mère, en se regardant dans le miroir, elle rétorque : « Veinarde ! Moi, quand je ne suis pas encore maquillée, je vois la tête de mon père ! ». La littérature est restée sa soupape de sécurité (avec Alex, un « ami » suicidé, comme le frère d’Oliva, qui n’a pas disparu de ses pensées, la preuve…). Ou encore, le diktat du « tout va bien » (smiley), du jeunisme et du développement personnel… L’obsession de la nourriture, l’enfer des réseaux « soucieux », les canons de beauté, la vieillesse qui menace, les cadeaux de Noël à acheter en dernière minute, les études des enfants, etc…

 

Grrrrr !!! Olivia de Lamberterie a mangé du lion. Elle y va à fond dans le name-droping. Même pas peur… Elle se moque, sans méchanceté gratuite, avec une lucidité mordante. C’est très féminin. Entre Desperate Housewifes et Almodovar. Mais avec un côté Larry David (Larry et son nombril), humour West coast, et/ou Woody Allen (Paris remplaçant New York), pour son côté caustique. « Comment font les gens ? » est un livre plus profond qu’il n’en a l’air. C’est un long solo de be-bop qu’il faut lire d’une traite. Il narre le blues des quartiers chics. Derrière le ton léger (on est bien élevé dans le XVIe), il y a la voix d’une femme qui s’épuise. Anna est une wonderwoman aux talons (aiguilles) d’argile. Le monologue intérieur d’Olivia de Lamberterie nous parle à tous. C’est vrai, ça, comment faisons-nous ?

 

Guillaume Chérel

 

« Comment font les gens ? », d’Olivia de Lamberterie, 

20, 50 €, 270 p, Stock.



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