ROMAN : CINQ DANS TES YEUX

Hadrien Bels


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Le nègre blanc du panier

ou, le raï d'Hadrien Bels


Couverture Cinq dans tes yeux  #PremierRoman #Autobiographie #Marseille #Gentrification #Témoignage #Jeunesse #Quartier #Amitié Hadrien Bels



Introduction


Il y un an, environ, alors que je bataillais pour écrire mon nouveau roman, qui se passe à Marseille, et dont le fil rouge est Jean-Claude Izzo, auteur d’une trilogie qui a fait date, un ami auteur m’a recommandé de lire le premier roman d’un marseillais : « Cinq dans tes yeux », d’Hadrien Bels. L’unanimité de la presse « bobo » (L’Obs, Les Inrocks, et j’imagine Libé et Télérama) m’ont rendu méfiant. J’ai attendu d’avoir fini mon livre pour le lire, lors de sa récente parution en poche, chez Pocket. Et je me suis régalé. Notamment parce que « Stress », le surnom d’Hadrien, donné par son pote Nordine, au Panier, voit d’un mauvais œil l’invasion des « venants », un autre surnom, donné celui-là aux parisiens attirés par cette ville sulfureuse, dont les quartiers populaires sont peu à peu rachetés par les rapaces de l’immobilier.


Mais n’allons pas trop vite. Hadrien Bels raconte les années 90, dans ce quartier du Panier, situé au-dessus du Vieux Port, où vécut Jean-Claude Izzo, cité plus haut, vingt ans auparavant. Si lui est surnommé « Stress », parce qu’il n’aime pas attendre et veut toujours savoir ce qui va se passer, ses amis s’appelaient Ichem, Kassim, Djamel et Ange. Sur la photo de classe, Stress tranchait par la blondeur de ses cheveux et sa peau rose. Il raconte leurs conversations souvent drôles mais aussi les prises de tête. Les parties de foot et les bides avec les filles. Stress est celui qu’on envoyait parlementer parce qu’il s’exprime bien. Il a la tchatche. Ça m’a rappelé mon roman « Les enfants rouges », qui raconte un peu la même chose, mais dans le années 80, en banlieue parisienne. Son livre m’a tellement rappelé le mien et ma propre expérience que j’ai tenu à lui dire lors d’une rencontre à la librairie Maupetit, sise rue de la Canebière. Il m’a écouté patiemment… mais tant qu’il n’aura pas lu mon livre, il ne peut pas comprendre pourquoi le sien m’a touché autant. D’abord, parce qu’il est bon… Comme le mien. Eh hé….

 

Aujourd’hui, les fameux bobos ont rénové les taudis du Panier – comme les pavillons de Bagnolet sont achetés par les mêmes – et les pauvres (des familles comoriennes, entre autres), ont dû partir pour s’entasser dans les quartiers Nord. Les potes d'hier, avec qui Stress allait draguer à la plage, sont devenus chauffeur de bus, agent de sécurité, voire dealer (certains sont devenus fous, ou carrément morts). Et le Panier est devenu un mix entre Disneyland et le décor du feuilleton « Plus Belle la vie »… Stress gagne sa vie en filmant des mariages, arabes pour la plupart. Il aimerait réaliser un film sur leur vie d'avant, quand ils essayaient d’entrer dans les boîtes de nuit. Mais il est confronté aux sempiternels bobos-intellos de la Friche de la Belle de Mai, qui tiennent les cordons de la bourse des financements culturels. Plutôt que de se mettre en colère, ça lui colle le blues des années de jeunesse insouciante. Nostalgique, il s’adapte comme il peut. Avec les filles comme avec les « décideurs ». Il sait faire sa pute quand il le faut, mais avec du recul (l’humour du désespoir). Celui des artistes. Il se voyait cinéaste, le voila écrivain.

 

« Cinq dans tes yeux » (manière de jeter un sort) oscille entre roman noir et chronique caustique de ces différents milieux qui se côtoient tant bien que mal. Qui s’adaptent et vivent vraiment « Ensemble », quand ils sont dans la rue, sur les places de cet ancien village qu’était le Panier. Il n’occulte pas qu’il est le fils d’une poétesse intello, qui anime des ateliers d’écriture subventionnés par la ville, et qu’il se montre parfois lâche dans les moments de tension (baston). A noter qu’il n’évoque pas de père… Or pas de père, pas de repère. L’absence est la plus grande des présences, disait Marcel Proust, en substance. A défaut de figure maternelle, Stress doit se contenter de sa mère, qui est un drôle de numéro, mais au moins elle est là, avec son franc-parler. Comme la ville de Marseille… 

 

L’écriture d’Hadrien Bels est rythmée et inventive. Son regard caustique. Désabusé, il ne peut que constater les changements dans sa ville adorée, dont il décrit les odeurs, autant que les défauts. Il ne tente pas de résumer Marseille aux clichés. Il sait qu’elle est libre, qu’elle se cabre si on tente de la brider. En perpétuelle évolution, Marseille est à l’image de ses habitants. Colorée, parfois arrogante, insolente, coléreuse, bruyante, contrastée, bref méditerranéenne. Comme Bels, qui passe du rire aux larmes en quelques pages. Son style d’écriture est à l’image de sa ville : imagé, odorante. Une réussite. Hadrien Bels a le don de donner à voir et comprendre par soi-même. Il va droit au but, comme l’OM, son club de cœur. Le seul qui n’acceptera jamais le racisme en son sein. Tout est dit. Il ne s’en rend pas compte, mais son livre est engagé. Il fait de la politique sans le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la prose. Un film est peut-être à la clef. Inch al’Marx !

 

Guillaume Chérel

 

« Cinq dans tes yeux », d’Hadrien Bels, 

Pocket, 6,95 € / Editions de l’Iconoclaste.






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Le nègre blanc du panier, ou le raï d'Hadrien Bells
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