ROMAN : CHARBON

Sébastien Aja


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Le Gomorra marseillais


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Introduction


Derrière le nombre de morts provoqués, chaque années, par les règlements de comptes entre réseaux de trafiquants de drogue, à Marseille, il y a des « minots » de chair et d’os. Sébastien Aja les connait bien, puisqu’il est éducateur dans les fameux quartiers Nord. Ce n’est pas en tant que professionnel, « travailleur social », qu’il les évoque dans son premier roman, « Charbon », mais en tant qu’écrivain. Tout commence tranquillement. Presque banalement. Zine et Abou, 16 ans, braquent des stations-service, arrachent des colliers aux dames, rackettent des téléphones portables des lycéens du centre-ville. 


Ils se déplacent à scooter et fument des pétards. Ils jouent aux jeux vidéo, se nourrissent de kebab, vont parfois se baigner. Ils ne rêvent même pas d’intégrer le réseau de trafic de stupéfiants de leur cité des Rosiers. Zine, surtout, est un solitaire. Il est prudent. Méfiant. Sa mère, d’origine maghrébine, a un cancer de la gorge. Il n’a pas vraiment de foyer. Pareil pour Abou, d’origine mahoraise, dont le père est alcoolique. Ils se suffisent à eux-mêmes, ont l’impression d’être heureux. Libres. Indépendants. Jusqu’au jour où ce dernier se fait arrêter… Zine monte alors au « Charbon », comme on monte au « braquo ». Pour avoir plus d’argent, il tue le caïd d’un réseau et se voit calife à la place du calife. Son heure de gloire ne dure qu’un temps.

 

Sébastien Aja décrit avec précision le décor, la géologie (béton, ciment, bitume, alors que la mer et les collines sont tout près) et le soleil qui crame tout en été. Le récit va crescendo. Jour après jour, l’étau se resserre. On n’est pas dans la mythologie Scarface, version Tony Montana (Al Pacino à Miami) - qui se termine mal, n’oublions pas – mais dans le quotidien sordide de Gomorra, à Naples, où les « choufs » et « charbonneurs » tombent avant d’avoir atteint l’âge de la majorité. Ou tout le monde trahi tout le monde pour l’appât du gain. Où les femmes sont des sous-êtres, même les mères et les grand-mères, quand il s’agit du « charbon ».

 

C’est ultraviolent. Quasiment sans paroles. Les mômes communiquent en zappant, via les réseaux sociaux, mangent mal, dorment mal, se lavent à peine. Ils (sur)vivent comme des bêtes aux abois. Et quand ils aiment, c’est en cachette, pour éviter le qu’en-dira-t’on, le déshonneur, ou la honte. Avoir une arme et une belle bagnole, c’est être respecté. A force de s’adonner à des jeux (vidéo) virtuels ultra-violents, ils finissent par ne plus avoir conscience de la souffrance de l’autre, tellement ils occultent la leur. Quand on les arrêtent, ils redeviennent des mômes qu’ils sont « de base ». Il ne se sentent pas coupables de crimes, puisqu’ils sont dans la survie. C’est leur quotidien, depuis qu’ils ont quitté l’école. N’ayant quasiment rien à perdre (un passé à oublier et un futur angoissant), ils tentent de tout avoir dans l’instant, au jour le jour. Ces sont des « despérados », comme au far West.

 

Sébastien Aja décrit leur quotidien sans pathos, ni exagération. Avec mesure, sans effets de plume, ni fioritures. Ses mots sont précis. Il ne se regarde pas écrire. C’est efficace. Des faits, rien que des faits. La poésie et l’amour ne s’immiscent qu’en de brefs interstices. Comme le soleil, et la beauté des paysages de Provence (mer, collines, Calanques), s’immiscent parfois entre deux barres de béton. Il ne suffit pas de connaître la réalité. Encore faut-il savoir la décrire avec justesse. Sans jugement de valeurs. Comprenne qui pourra. Il faut du talent (et du travail) pour atteindre le but recherché. 

 

Témoigner sans que cela soit un reportage, ni un essai de sociologie. Un point de vue et une voix singulière sont nécessaires. Un parti pris narratif.

Sébastien Aja a trouvé la bonne manière de raconter la violence devenue quotidienne, sans en faire l’apologie, ni la rendre spectaculaire. C’est froid et sordide. Pathétique. Effrayant d’absurdité. Il nous montre qui sont les premières victimes du « système »… Nées avec des boulets de galères familiales au pied, qu’ils se traînent entre deux rafales de Kalach’. « Charbon » vous laissera groggy.

 

Guillaume Chérel

 

Charbon, de Sébastien Aja, 206 p, 15 €, 

Gaussen édition





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