ROMAN : AU PRINTEMPS DES MONSTRES

Philippe Jaenada


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La sinistre fin d'un enfant du XXe siècle

ou Sherlock Holmes et Columbo ont trouvé leur maître...


Au printemps des monstres #Société #AprèsGuerre #Justice #Crime #Espionnage #Biographie #Témoignage #Correspondance #Style Philippe Jaenada



Introduction


« Au printemps des monstres », c’est l’histoire vraie d’un fait-divers qui glaça d’effroi la France des années 60. Un garçonnet de onze ans est enlevé à Paris, un soir du printemps 1964 (l’année de naissance de l’auteur, Philippe Jaenada). Le lendemain (il y a cinquante-sept ans, donc), le corps du petit Luc Taron est retrouvé dans une forêt de banlieue. Il a été assassiné, sans raison apparente. Pendant plus d’un mois, un enragé inonde les médias, et la police, de lettres de revendication démentes, signées « L’Étrangleur ». Il adresse même aux parents de l’enfant, apparemment horrifiés, des mots ignobles, diaboliques, cruels. Il est enfin arrêté. C’est un jeune homme banal, un infirmier. Lucien Léger avoue le meurtre. Il est incarcéré et mis à l’écart de la société pour le reste de sa vie. Fin de l’histoire ?


 

Que nenni.

On ne la fait pas à ce chameau de Philippe Jaenada (le Columbo de la littérature française du XXIe siècle) - dont on finirait presque par oublier qu’il écrivit des romans, au début de sa « carrière » d’écrivain, déjà très inspirés de la réalité, puisqu’il s’agissait de sa vie amoureuse, la plupart du temps. Cet auteur est capable de s’enfermer dans une « grotte » (son bureau), quatre ans de sa vie durant, sans céder aux réseaux sociaux. Outre sa vie de famille (une femme, un fils, dont il parle), son travail d’écriture n’est entrecoupé que de descentes quotidiennes au bistrot du coin, et d’escapades en voiture de location pour aller flairer les lieux (en fait, il dort dans des hôtels, en sirotant du whisky). 

 

Alerté par un précédent livre, de l’ex-journaliste de l’Humanité, Jean-Louis Ivani, et de Stéphane Troplain, il s’est lancé dans une contre-enquête, qui deviendra un récit haletant de 750 pages (à propos, comme son auteur, au fil des années, les livres de Philippe Jaenada sont de plus de plus en plus épais, dirait une mauvaise langue). Les fans de Jaenada (de plus en plus nombreux) retrouveront son style, inimitable (son art de l’utilisation de la parenthèse et des digressions), et l’humour pince-sans-rire, qu’il utilise avec parcimonie, pour aérer la narration parfois étouffante. Et peut-être pour camoufler dégout et désespoir, au fur et à mesure de ses investigations. 

  

L’auteur lui-même le reconnait : « Au printemps des monstres » est un livre compliqué à résumer. Apparemment, c’est juste un fait-divers sordide. En réalité, c’est une succession d’histoires glauques (affaire de mœurs, de fric, de barbouzes, voire de nazisme…) qui s’entremêlent, s’entrecroisent, se superposent, comme des poupées gigognes. Quand il croit avoir trouvé le fil du fin mot du commencement d’un bout du schmilblick, l’inspecteur Jaenada déniche une nouvelle info, en général dans les archives d’un sombre établissement de l’Etat, surveillées par une miss Ratched (cf. « Vol au-dessus d’un nid de coucous ») acariâtre, qui oblige notre inspecteur Clouzot à utiliser des ruses de vieux sioux pour photographier les documents afférents… 

 

Si l’on doit « pitcher » cette masse d’infos (de quoi avoir la migraine), en trois phrases. Disons que c’est l’histoire d’un citoyen écrivain, pas lambda, suffisamment obsédé par la vérité (et la justice) pour consacrer des années de sa vie à enquêter sur des gens, aujourd’hui morts, aussi malhonnêtes les uns que les autres, qui ont menti toute leur existence. On finit par se moquer de savoir si Lucien Léger, qui signait « l’Etrangleur », était innocent (car il ne l’était pas vraiment : il faut en tenir une couche pour écrire ce qu’il a écrit, et se repaître de la mort d’un enfant, dont on a appuyé la tête dans la terre pour l’étouffer), même s’il a passé la majeure partie de sa vie en prison (son karma). 

 

C’est le portrait d’une société, à peine remise de l’après-guerre, qui prend le pas (comme dans un roman noir). Où tout semble trouble, factice, nauséabond. Car tous les protagonistes de cette sale affaire truquent, trichent, sauf une femme, Solange, la seule apparemment normale, dans ce monde de dingues, mais qui sera internée en hôpital psychiatrique (la conjuration des imbéciles a frappé), bourrée de médicaments. C’est la « gentille de l’histoire (depuis son enfance elle morfle). Solange (un ange, qui soutient son mari accusé, la plupart du temps) se laisse enfermer pour ne pas crever de faim (la description de sa lutte pour survivre, dans ce monde poisseux, gluant, est poignante : là, il ne rigole surtout pas, Jaenada a trouvé sa Fantine).

 

En prenant le temps (on l’a vu), comme Truman Capote en son temps (« De Sang- froid »), Jaenada se sert de sa plume acérée (toujours aussi drôle, même quand il flippe pour sa santé), en guise de lanterne, pour nous éclairer sur la réalité de ce monde des années 60 (l’ombre du Général De Gaule plane, via l’OAS et les remugles de la Guerre d’Algérie, la chape de plomb va bientôt être explosée par Mai 68), où les imposteurs (faux résistants, vrais mégalos) sont légion. 

 

Tout est dans l’exergue, de ce mystérieux Jacques Le Gallois : « Je suis un sinistre enfant du vingtième siècle ». Et Philippe Jaenada est un justicier. Un super héros de notre siècle. Ce n’est pas pour rien qu’il gagne sa vie en écrivant dans « Voici ». Il s’y connait en société du spectacle. 

 

Guillaume Chérel

 

« Au printemps des monstres », de Philippe Jaenada,

748 p, 23 euros, Editions Mialet-Barrault (MB)  

 

P.S : à la mi-septembre, ce livre était sur la première liste du Prix Goncourt 2021. Malgré Eric-Emmanuel Schmitt (membre du jury) qui trouve que Jaenada écrit trop « gros » (sic !).







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