BD : LORRAINE COEUR D'ACIER

Histoire d'une radio pirate, libre et populaire (1979-1981)

Vincent Bailly, Tristan Thil. Postface avec dessin de Baru.


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Une des premières (vraies) radios libres


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Introduction


« La parole n’a pas été donnée à l’homme, il la prise », écrivait Aragon. La BD Lorraine Cœur d’Acier, c’est l’histoire d’une lutte ouvrière et d’une radio pirate qui défia le pouvoir en place. C'est l'histoire d'une radio libre, il y a quarante ans, à Longwy. C’est l’histoire d’une radio populaire qui posa comme postulat que tout le monde pouvait s’y exprimer… Sauf le FN, dont le discours haineux raciste tombait, déjà, sous le coup de la loi. C’est l’histoire d’une radio libre et démocratique qui libéra la parole d'une population tout entière. C’est aussi l’histoire d’un journaliste, Marcel Trillat, comme on en fait presque plus aujourd’hui. 


Avec son acolyte Jacques Dupont, ils vont défier Giscard mais aussi la CGT et le PCF… Dépassés par ces libertaires débonnaires. Ces communards rigolards. Cette BD est une œuvre majeure sur l’histoire des luttes ouvrières. N’ayons pas peur des mots…

Mais revenons en arrière.  

 

Le 12 décembre 1978, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, est annoncé le « plan Davignon » qui va liquider la sidérurgie dans le bassin lorrain (c’est le début de ce qu’on appelle le « démantèlement »). Début mars 1979, à l'instigation de la CGT, débarquent à Longwy les deux journalistes susnommés, Marcel Trillat et Jacques Dupont. Des mois durant, ils vont animer ce qui allait devenir une radio à « nulle autre pareille ». Une radio de lutte, une radio illégale, une vraie  radio « libre », au sens plein de ce terme. Il n’est pas encore question d’NRJ, ou de Carbone 14, ces radios qui deviendront privées (de cerveau), pour la première, et de Lafesse, pour la seconde (comprenne qui pourra). Ces radios seront « libérées », après la victoire de François Mitterrand aux présidentielles de mai 1981. Juste après la fin de Lorraine Cœur d’Acier, qui aura été pionnière.

 

La radio de Marcel Trillat et de son l’équipe de Lorraine Cœur d’acier était résolument engagée, mais démocratique. Avant-gardiste, car libertaire plus qu’anarchique (Marcel et Jacques ont été choisis parce qu’ils étaient des professionnels). Mais il n’était pas question pour eux de n’être « que » la voix de la CGT. Ils ont voulu aller au-delà, en faire une radio ouverte à tous (au peuple) : « Y compris aux gauchistes et à la droite ? », s'étrangle le « camarade » Eugène, dans la formidable, car émouvante, BD de Vincent Bailly et Tristan Thill, publié aux éditions Futuropolis. On se souvient encore, dans la réalité, des manifs des sidérurgistes, à Paris. Il était question d’« autonomes », des « casseurs », et de flics infiltrés dans les défilés…  

 


Extrait BD 2

Dans ce récit graphique, le prolo Eugène travaille aux Hauts fourneaux. Il est délégué syndical CGT (époque Georges Séguy) et membre du parti communiste Français (période Georges Marchais). Il manque de s’étrangler le jour où il entend Alain Krivine, le trotskiste « bourgeois », expliquer aux travailleurs lorrains que leur lutte dépasse la France, et même l’Europe. Il n’est pas encore question de « mondialisation » mais de « capitalisme »… On en est encore à chanter l’Internationale, vous pensez ! Eugène est un militant sectaire qui finira par aller parler au nom de siens, à la radio (« gauchiste »), avant de quitter la CGT, et le parti, déçu, écœuré, car trahi, comme bien d’autres. Son fils, Camille, lui, a tout compris. Il tombe d’abord sous le charme de la voix de Mathilde. Dont il tombe amoureux… Les deux profitent de l’absence de l’équipe, la nuit, pour non seulement faire l’amour (libre, évidemment) mais diffuser le groupe de rock anglais les Clash. 

 

La radio a beau être brouillée par les « autorités », la parole se libère. Il n’est pas question que de politique, et de sidérurgie, mais aussi de planning familial et d’accouchements douloureux ; voire de mortalité infantile digne d’un pays sous-développé. Aujourd’hui, connaissant Trillat, il serait question du mouvement LGBTQ+, de post-féminisme, de radicalisation et de la droitisation de la France…

 

Cette BD postfacée superbement par Baru, est non seulement un hommage au peuple ouvrier en lutte (ici à Longwy, en Lorraine), mais à Marcel Trillat, décédé récemment. Un journaliste de gauche qui essaya, à son niveau, de réunir toutes les gauches (il finira par entrer à la télé). On comprend mieux aujourd’hui la difficulté de la tâche. 

 

Le scénario et les dialogues du récit de Tristan Thil sont parfaits. Le trait des dessins de Vincent Bailly colle bien au décor et à l’ambiance, sombre et incandescente, de la région. On se croirait dans un film de Ken Loach, à la française. Comme disait Marcel Trillat (qui a dormi chez moi, à Bagnolet, avant de partir en Lorraine) : « C’est pas parce qu’on a perdu qu’on avait tort ». Cette BD lui donne raison.

 

Guillaume Chérel

 

Lorraine Cœur d’Acier : histoire d’une radio pirate, libre et populaire (1979-1981),

de Vincent Bailly et Tristan Thil (postface, avec dessins, de Baru), 80 p, 17 €, Futuropolis.






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