BD : LES SAVEURS DU BÉTON

Kei Lam


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La cité interdite du 93


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© Steinkis éditions



Introduction


Vous aimez les BD de Riad Sattouf (« Les cahiers d’Esther »), vous aimerez l’humour tout en délicatesse de Kei Lam. Cette jeune française d’origine chinoise s’inspire de son emménagement dans la cité de La Noue, à Bagnolet, dans les années 90. Nous sommes en Seine-Saint-Denis, qu’on n’appelait pas « 93 », dans ce qui était encore la ceinture « rouge » (rapport aux villes communistes). La petite Kei (6 ans) avait beau habiter Paris, la capitale, c’était dans une chambre de bonne, en appartements partagés avec d'autres immigrés chinois, dans la promiscuité (elle en avait assez d’entendre son père ronfler). 


Case BD 1
© Steinkis éditions

Aussi, quand ses parents ont l’opportunité de passer de l'autre côté du périph', pour devenir propriétaires d'un trois pièces, ils n’hésitent pas. Au moins, elle  aura sa chambre. Ce devait être temporaire, vingt-cinq ans après, ils y sont toujours.

 

A l’époque de son installation, avec sa famille, on parlait encore de Grands ensembles, et cette cité haut perchée, surnommée la Défense de l’Est de Paris, lui rappelle les grandes tours de Hong-Kong (l’une d’elle a 30 étages et mesure 94 m : la vue y est magnifique !), d’où elle est originaire. Mais Kei se voit alors confrontée à un nouveau monde, celui de la banlieue, alors même qu'elle entre au collège (Politzer) et, par conséquent, dans l'adolescence. Les codes, les manières de s’exprimer sont différentes (on lui pique ses affaires et son père débarquant en pyjama lui fait honte). 

 

Elle passe pour une intello auprès de ses nouvelles camarades, issues de l’immigration elles aussi, mais souvent maghrébine, passionnées de pop-stars, alors qu’elle n’aime que les dessins animés. Il va lui falloir s’adapter à un racisme insidieux et à la ghettoïsation du quartier. Car peu à peu, La Noue va devenir un nouveau Chinatown.

Les grandes tours ont beau abriter un futur prix Nobel de littérature (« La Montagne de l’âme », de « M. Gao » Xingjian, en 2000), Kei se sent « à part », à différents points de vue : La Noue est excentrée du centre-ville, et des transports de proximité (on leur fait miroiter, des années durant, un hypothétique « téléphérique » pour atteindre le métro Gallieni), car il faut grimper, crapahuter, dans une sorte de Central Park parfois dangereux, pour cause de mauvaises fréquentations. Sans compter que ses parents s’expriment mal en français. Son père est artiste-peintre mais c’est sa mère qui se tue à la tâche pour joindre les deux bouts. Laquelle mère lui fait boire des décoctions étranges, et amères, à base de ginseng, graines de lotus, baies de goji, longanes, jujubes, igname, etc, qui aujourd’hui sont des boissons « détox » très appréciées des bobos mangeurs de tofu.

 

Sous couvert d’humour et de légèreté, Kei Lam donne la parole aux enfants d'immigrés, dont le quotidien est souvent difficile, partagés qu’ils sont entre des parents en but avec la paperasse (la galère de l’attente à la Préfecture de Bobigny est superbement décrite : des moutons surveillés par des chiens de garde), et leur vie de français « presque » comme les autres. Kei est une jeune fille qui aimerait pouvoir consommer chez Auchan Bel-Est (la ville dans la ville), ce temple de la consommation de masse, et qui culpabilise de s’offrir du bon temps, au milieu de jeunes de son âge plus insouciants. Les dessins et les commentaires sont au diapason. A la fois poétiques, réalistes et pragmatiques. Elle imagine, par exemple, la petite Kei confrontée à la grande : que de changements ! Et physiques et mentaux.

 

Ayant grandi en banlieue, l’autrice sait que la vision qu’en ont les « vrais » parisiens, ou provinciaux, est caricaturale : « les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne ». La cité de La Noue est un décor souvent utilisé dans des films, comme dans « la Haine », vision caricaturale qui a tant excité les bourgeois, lesquels croyaient découvrir la banlieue, sans s’intéresser pour autant à la « vraie » vie des banlieusards. Elle montre que la situation n’a cessé de se dégrader. Les agressions contre les chinois, supposés transporter du cash, sont devenues monnaies courantes. Et les syndics laissent pourrir les immeubles sur pied, tandis qu’une Maison du Parc illustre la « gentrification » de ce quartier voisin de Montreuil… Où elle a fini par aller vivre, comme tout le monde (lol).  

 

Guillaume Chérel

 

Les saveurs du béton, de Kei Lam, 

210 p, 20 €, Steinkis éditions.


Case BD 2
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