Didier Quella-Guyot, Alain Quella-Villéger, Sara Coloane
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Entre exotisme et féminisme
la vraie vie des femmes voilées
Basé sur un récit véridique, au titre éponyme, Evadées du harem.


Introduction
Il s’agit de l’'histoire rocambolesque, et pourtant bien réelle, répétons-le, d'un des plus grands scandales de la fin de l'Empire ottoman : l'évasion, en 1906, de deux jeunes Ottomanes de bonne famille, lassées de leur vie cloîtrée, dans le cadre d'une supercherie littéraire dont Pierre Loti fit les frais.
C’est le point fort, à mon sens, de ce feuilleton qui ressemble parfois à un roman-photo.
Sans entrer dans les détails, l’écrivain fut davantage émoustillé par l’aspect exotique de cette histoire de harem…
En réalité, ce fantasme typiquement masculin, reflète de sort de millions de femmes assujettis par la domination pseudo virile de mâles qui ont peur de l’émancipation féminine.



Le trait un peu rustre, basique, en noir et blanc (on dirait du fusain), peut heurter au début, mais le parcours haut en couleurs, semé d’embûches, du duo d’évadées, nous fait vite oublier cette sobriété.
On se croirait dans un roman à suspense d’Agatha Christie, filmé par Alfred Hitchcock, dans un train, tout d’abord, puis sous les lambris de la grande bourgeoisie française.
Il ne faut pas se leurrer :
Zennour et sa sœur Nouryé risquaient-elles si gros ?
Leur père les aimait passionnément et elles ne portaient « que » le « yachmak », voile de mousseline sur le visage.
Un masque anti-Covid avant la lettre…
Elles ne portaient le « tchartchaf » (voile noir) que pour se jouer de Pierre Loti, avec lequel elles entretenaient une correspondance enflammée.


Il faut se remettre dans le contexte géo-politique de l’époque
(début du XXe siècle).
Pour l’homme de lettres, officier de marine, il s’agit de deux « désenchantées ». Pour les Turcs il s’agit d’un affront.
Les deux jeunes-femmes ne s’imaginaient pas en faisant cette « fugue » que la presse, puis les corps diplomatiques, allaient s’emparer de cette histoire familiale.
Une des deux sœurs, effectivement désenchantée par la réalité européenne, la froideur, la raideur victorienne des anglais, va rentrer au pays lors de la révolte des « Jeunes-Turcs ».
Finalement, il n’y a qu’à Paris qu’elles se sont à peu près senties enfin libres…
Jusqu’à ce que la maladie (tuberculose) ne les rattrape.
Mais, au moins, elles ont osé bafouer le joug du patriarcat, en général, et de la religion (ici musulmane) en particulier.
Cette « aventure » résonne encore aujourd’hui, alors que des millions de femmes portent encore le voile soi-disant volontairement, au XXIe siècle.
A leurs manières, parfois naïve, désuète, le deux rebelles étaient des féministes, sans être vraiment révolutionnaires.
L’enjeu (sexiste) les a dépassées.
Ce qu’elles voulaient, c’est la liberté de disposer de leurs corps, et de leur intellect, pour poser devant Rodin, par exemple, si ça leur chantait.
L’ensemble de l’ouvrage donne une très belle œuvre, pleine de sens. Les dialogues sont savoureusement classiques, comme le dessin. Ce qui donne une belle homogénéité au livre.



Le pitch :
Un récit rigoureusement historique, trépidant comme un roman et un témoignage subtil sur la condition des femmes musulmanes au début du XXe siècle qui apporte un éclairage passionnant sur la question des complexes rapports de fascination entre Orient et Occident. Depuis toujours… Et ça continue.
Evadées du harem,
de Didier Quella-Guyot, Alain Quella-Villéger et Sara Coloane,
128 p, 18 €, Steinkis éditions.


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