ROMAN : CHIEN-LOUP

Serge Joncour


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#suspense #campagne #peur #isolement #violence #amour #guerre


Le pays où l'on ne capte plus


Couverture Chien-Loup et photo auteur Chronique littérature roman suspense guillaume cherel



 

J’ai rencontré Serge Joncour il y a une bonne vingtaine d’années, à Nîmes, lors d’un salon littéraire où figurait Frédéric Beigbeder encore jeune branchouille marié à sa première femme, et Olivier Adam qui n’avait pas encore publié un livre…

 

Serge débutait, comme moi, et il était cordial et… rougeaud. Je lui ai demandé s’il avait pris un coup de soleil : et non ! Sa peau est comme ça… première gaffe avec Joncour, que je croise depuis des années sur des salons littéraires.

 

Son travail m’intéresse, parce qu’au contraire de ses collègues auteurs français, il change de style et de genre à chaque livre: il évolue quoi.

 

Et il ne se la pète pas. Malgré les prix qui commencent à pleuvoir. Il n’aura pas le Goncourt 2018 (il n’est pas sur la première liste), mais il est sur la liste de Gérard Collard, de La Griffe Noire, ce qui vaut tous les Joncour ! 

  

Chien-Loup commence comme un roman de Stephen King.

 

Les premières lignes, inquiétantes, décrivent les habitants d’un village, qui entendent, pendant la première guerre mondiale, des hurlements sauvages qui semblent se rapprocher. Comme des beuglements, ou plutôt des rugissements de lions. Seraient-ce des loups, cet appel sauvage ? 

 

The call of the wild, cher à Jack London. Autrement dit, l’appel de la forêt. De la nature. De notre vraie nature… Sauvage !

 

Puis, Serge Joncour en arrive au fait : un couple de citadins arrive en pleine cambrousse, dans une maison isolée, au sommet d’une colline sans réseaux. Ni téléphoniques, ni urbains.

 

Franck se demande même si ce n’est pas une arnaque.

La tension règne. Un danger menace.

 

En bas, à un siècle de distance, quasi, la population d’un village ne capte pas ce qui se passe avec ce dompteur allemand (sic !) qui dressait des fauves dans son cirque itinérant.

 

Comment va-t-il les nourrir, ses tigres et ses lions ? Doivent-ils le dénoncer aux autorités françaises ? Aux gens de la ville…

 

« Il était le seul à être seul »… L’air de rien, cette courte phrase, tombée page 120, au milieu d’un récit riche en thématiques, en dit autant sur ce roman ambitieux que sur son auteur.

 

Serge Joncour, qui a reçu le prix Interallié, en 2016, pour Repose-toi sur moi (Flammarion), est le genre d’écrivain qui nous donne l’impression d’être « seul à être seul ».

 

Dans Chien-Loup, son nouveau roman, à nouveau différent de tout ce qu’il a écrit auparavant, il a beau faire des flash-backs historiques sur la Grande Guerre, tout nous ramène à son personnage principal, Franck, qui vit en couple, depuis vingt ans, mais semble être seul au monde, notamment quand il débarque dans ce "trou-du-cul du monde", au fin fond du Lot… où on ne capte plus.

 

Ni les réseaux "soucieux", ni les locaux, auxquels ce parisien pur jus ne comprend rien. Au début, parce qu’il va vite s’adapter à la vie « sauvage ». A l’instar de ce chien-loup, rencontré dans la forêt, près de la maison que sa femme, bobo-bio-écolo, - voulu louer pour trois semaines loin de tout.     

 

La parabole est parfaite. La violence est partout, sous-jacente, même entre collègues qui font du cinéma. Les jeunes collègues producteurs de Franck boufferont-ils le vieux lion dépassé ? Ou au contraire, la nature va-t-elle réveiller en lui le dominant alpha qui sommeille ? Alpha, comme le nom qu’il donne à ce grand chien errant. Qu’il finira par appeler Bambi.

 

N’est pas le plus sauvage celui qu’on croit : le dompteur allemand aime ses bêtes, comme il aimera la belle veuve venue s’offrir à lui, telle la chèvre de monsieur Seguin.

 

Quel roman étrange ! Très bien construit, dans sa narration, de prime abord, mais qui part en vrille, en live… un peu comme un film de Jean-Luc Godard. Impossible de deviner ce qui va se passer à la prochaine scène, ni quel sera le nouveau plan.

 

C’est rare, et une des particularités du travail de Serge Joncour, qui tourne autour du sujet « Nature-forêt / arrachement à la vie citadine » depuis une bonne demi-douzaine de livres.

 

Et puis il y a ce grand chien… à qui il ne manque que la parole. Un peu comme Serge Joncour, qui essaie de nous dire quelque chose, avec cette histoire de couple moderne aux prises avec la nature.

 

Chacun s’adapte à sa manière. Elle s’autocentre (peint, fait du yoga, se coupe du monde). Lui l’affronte, s’y ouvre, à cette nature sauvage, après en avoir eu peur. Il la dompte, comme il a dompté ce chien-loup. A moins que ce ne soit l’inverse…

 

Chaque lecteur aura son point de vue. Le nôtre est qu’il s’agit d’un roman surprenant. Qu’il faut lire en prenant son temps. Un peu comme lorsqu’on découvre un nouvel univers. En ayant le sentiment d’être seul à être seul. Comme Serge Joncour. Un écrivain quoi.

 

Guillaume Chérel.

 

Chien-Loup, de Serge Joncour, 475 p,

21 euros, Flammarion.





Télécharger
Le pays où l’on ne capte plus
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Chien-Loup de Serge Joncour.pdf
Document Adobe Acrobat 468.7 KB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0